Les États-Unis ont rouvert samedi leurs frontières aux ressortissants de sept pays musulmans, l'administration étant forcée de faire marche arrière sur l'application du décret migratoire signé par Donald Trump en raison de la décision d'un magistrat américain.

Le juge fédéral de Seattle James Robart a émis vendredi soir une injonction temporaire valable sur l'ensemble du territoire américain, le temps qu'une plainte déposée lundi par le ministre de la Justice de l'État de Washington soit examinée sur le fond. Ceci a provoqué la colère du président américain.

«L'opinion de ce soi-disant juge, qui en gros prive notre pays de sa police, est ridicule et sera cassée!», a prévenu le nouveau président américain dans une première salve de tweets samedi matin.

«Où va notre pays quand un juge peut arrêter une interdiction de voyager faite pour des raisons de sécurité intérieure et quand n'importe qui, même avec des mauvaises intentions, peut entrer aux États-Unis», a-t-il tweeté à nouveau samedi après-midi.

Les conséquences de la décision du juge Robart se sont traduites dès samedi par un renversement - au moins temporaire - des restrictions imposées par le décret.

Le ministère de la Sécurité intérieure a affirmé à l'AFP «qu'en accord avec la décision du juge» il avait «suspendu toutes les actions qui mettent en oeuvre» le décret.

Les contrôles aux frontières, précise Gillian Christensen, un porte-parole du ministère, s'en tiendront jusqu'à nouvel ordre «aux procédures habituelles».

«Se précipiter à l'aéroport»

La diplomatie américaine a de son côté annoncé être revenue sur la suspension de quelque 60 000 visas.

«Nous avons renversé la révocation provisoire des visas entraînée par le décret présidentiel 13769. Les personnes munies de visas qui n'ont pas été physiquement annulés peuvent désormais voyager si le visa est valide», a expliqué une porte-parole du Département d'État dans un communiqué.

Les vols à travers le monde en direction des États-Unis acceptaient de nouveau les ressortissants des sept pays visés par le décret.

Ce dernier, qui a engendré une vague d'indignation et de protestations à travers le monde, fermait les portes des États-Unis pendant trois mois aux ressortissants d'Iran, Irak, Libye, Somalie, Soudan, et Yémen, le temps que les autorités américaines revoient leur dispositif antiterroriste.

Il prévoyait également l'interdiction de tous les réfugiés, ainsi que celle des Syriens indéfiniment.

Lufthansa, Etihad, Emirates, Swiss, Qatar Airways ou encore Air France ont changé leur fusil d'épaule du jour au lendemain.

«On applique immédiatement la décision de justice prise cette nuit», a assuré à l'AFP un porte-parole d'Air France.

Il est «clair que les personnes qui étaient formellement visées par l'interdiction peuvent désormais voyager et être admises aux États-Unis», a confirmé à l'AFP Peter Spiro, professeur de droit à l'université Temple de Philadelphie.

Son conseil: «se précipiter à l'aéroport et embarquer sur le prochain vol», car, pense-t-il, la réponse de la Maison-Blanche peut arriver «très, très rapidement».

Bras de fer

La Maison-Blanche, en effet, entend mener le bras de fer et faire appliquer le décret en dépit des condamnations jusque dans le camp républicain.

Samedi, le porte-parole du ministère de la Sécurité intérieure a précisé à l'AFP qu'«au plus tôt, le ministère de la Justice entend déposer une injonction d'urgence pour défendre le décret».

L'exécutif avait déjà annoncé cette intention dans un communiqué vendredi soir, qualifiant de «scandaleuse» la décision du juge Robart, avant de retirer ce terme.

En substance, la plainte déposée lundi par le ministre de la Justice de l'État de Washington, Bob Ferguson, estime que le décret va à l'encontre des droits constitutionnels des immigrés, car il cible spécifiquement les musulmans.

Le décret s'est traduit le week-end dernier par l'interpellation dans les aéroports de 109 personnes résidant légalement aux États-Unis, tandis que des centaines d'autres n'avaient pas pu embarquer dans leurs avions.

La colère reste intacte à travers le monde une semaine après la signature du décret, et plusieurs milliers de personnes manifestaient encore samedi de Washington à Paris, en passant par Londres et Berlin.

«C'est important de regarder les côtés positifs, mais en même temps Trump est au pouvoir pour quatre ans», s'inquiète devant la Maison-Blanche Maryam al-Hassani, manifestante américano-irakienne de 18 ans.

«Nous devons continuer d'agir», souffle-t-elle, keffieh autour du cou.