En atterrissant à l'aéroport de Philadelphie aux États-Unis, la Syrienne Joséphine Abou Assalé et sept membres de sa famille étaient au comble de l'excitation: une nouvelle vie s'offrait à eux, loin de leur pays en guerre. Treize ans après avoir présenté une demande d'immigration, cette famille chrétienne avait finalement obtenu le visa tant convoité en octobre dernier.

Vendredi, ils font le périple Damas-Beyrouth-Amman-Doha, avant d'arriver à Philadelphie.

«Le voyage a duré au total 20 heures», raconte à l'AFP Joséphine, 60 ans, dans son appartement du quartier Tijara à Damas.

Le rêve commence à virer au cauchemar lorsqu'un officier de l'aéroport récupère leurs passeports et les emmène dans un couloir. «J'ai commencé à me sentir nerveuse», se rappelle cette femme aux yeux cernés.

«Vous plaisantez?»

Les minutes qui suivront resteront gravées dans sa mémoire: «L'officier est revenu et nous a dit que notre visa avait été annulé et qu'on était interdit d'entrer aux États-Unis», à la suite du décret du président Donald Trump visant les ressortissants de sept pays à majorité musulmane.

«Je lui ai dit en anglais: «You're kidding, right?» (Vous plaisantez, n'est-ce pas?). Il m'a répondu: «Est-ce que j'ai l'air de plaisanter?»

Joséphine, son mari Bassam, et le reste de la famille sont sous le choc.

«On a cru qu'il y avait une accusation personnelle contre nous et non pas un décret général», affirme Bassam, 62 ans, les cheveux grisonnants.

Ils ignoraient en effet qu'un «décret a été signé alors qu'on était en avion».

Bassam montre à l'AFP le visa américain apposé sur son passeport et barré désormais d'un trait bleu, preuve de son annulation.

«On était tellement heureux d'avoir obtenu le visa pour l'Amérique. Il y a tellement de pays qui ne donneraient pas de visa» aux Syriens, dit-il.

Dans l'appartement, une vingtaine de valises encore fermées sont réparties dans différentes pièces.

«Un beau rêve»

«Nous avons passé 15 jours à acheter des cadeaux pour nos amis. Nous étions si heureux en faisant nos valises», se rappelle Joséphine.

«Je n'ai plus la force de les ouvrir et de retirer les cadeaux».

Pour le frère de Bassam, le choc est encore plus rude, car il a vendu sa maison et sa voiture en pensant commencer une nouvelle vie à Philadelphie où son fils Toufiq vit déjà. Il était accompagné de sa femme, sa fille Sara et ses trois autres enfants.

Dans l'appartement de son oncle, Sara, 20 ans, a les yeux rivés sur son smartphone, en lisant les dernières nouvelles sur ses compatriotes refoulés.

Ni elle, ni sa famille n'ont revu Toufiq depuis trois ans.

«Le plus dur c'était que ma mère était à quelques mètres de mon frère et elle n'a pas pu le serrer dans ses bras», raconte cette jeune femme brune, vêtue d'un pyjama rose et gris.

«Elle s'est effondrée en larmes (...) et j'ai pensé que mon père allait s'écrouler», confie-t-elle avec tristesse.

Après avoir plaidé sa cause, en vain, la famille est escortée vers un avion.

«On ne nous a permis ni un avocat ni un traducteur. On a été privé de nos droits les plus basiques dans un pays dit des droits de l'Homme», déplore-t-elle.

Pour Sara, le vide a remplacé le rêve américain.

«J'avais dit au revoir à mes amis d'enfance, mes voisins, tous les lieux que j'ai aimés», dit-elle.

Quand elle a obtenu son visa, Sara avait commencé à imaginer sa nouvelle vie, en lisant beaucoup sur les États-Unis et sur l'université où elle voulait s'inscrire.

«C'était un beau rêve».