Les États-Unis ont besoin de « frontières fortes » et de « vérifications extrêmes » a déclaré Donald Trump dimanche sur son compte Twitter, dans une apparente réaction au revers judiciaire imposé à son décret sur l'immigration par une juge américaine.

« Notre pays a besoin de frontières fortes et de vérifications extrêmes MAINTENANT », a-t-il écrit.

« Regardez ce qui se passe en Europe et, en effet, dans le monde - chaos horrible! » a ajouté le président américain, fidèle à une routine désormais établie de commenter l'actualité de la veille depuis son compte personnel sur Twitter.

Sa réaction semble avoir été provoquée par la couverture de cette affaire par le New York Times auquel il a consacré son premier tweet de la matinée pour qualifier le quotidien de référence de « FAKE NEWS » (fausses informations) en suggérant que quelqu'un le rachète pour le « remettre en ordre ou l'enterrer dignement ».

La Maison-Blanche intraitable

La mobilisation se poursuivait dimanche aux États-Unis face à l'interdiction d'entrée sur le territoire édictée par Donald Trump contre les réfugiés et contre les ressortissants de sept pays musulmans, malgré une victoire partielle obtenue samedi soir auprès d'une juge fédérale.

Le décret signé par Donald Trump vendredi peu avant 17 h interdit l'entrée à tous les réfugiés, quelle que soit leur origine, pendant 120 jours (de façon indéfinie pour les réfugiés syriens), ainsi qu'à tous les ressortissants de sept pays à majorité musulmane et considérés comme des viviers terroristes par l'administration américaine, pendant 90 jours (Iran, Irak, Libye, Somalie, Soudan, Syrie et Yémen).

Alors qu'initialement les détenteurs de cartes vertes - des permis de résident permanent - semblaient être également visés, le secrétaire général de la Maison-Blanche, Reince Priebus, a indiqué dimanche sur NBC qu'ils « n'étaient pas affectés », mais qu'ils pourraient être questionnés de façon approfondie à leur arrivée aux États-Unis.

Selon le porte-parole de Donald Trump Sean Spicer, 109 personnes déjà en route pour les États-Unis au moment de la signature du décret ont été stoppées depuis vendredi soir, mais 81 ont été autorisées à entrer sur le territoire, a indiqué le département de la Sécurité intérieure au New York Times.

La confusion a régné dans les aéroports américains depuis vendredi, les agents d'immigration manquant apparemment de consignes claires. Des centaines de manifestants ont assiégé les aéroports à New York, Dallas ou Seattle.

Samedi soir, une juge fédérale de Brooklyn, saisie par des défenseurs des droits civiques pour le compte de deux Irakiens munis de visas bloqués à l'aéroport John F. Kennedy, a interdit l'expulsion des personnes en règle retenues dans tous les aéroports américains.

Mais le décret reste en vigueur et dans le reste du monde, les aéroports et autorités avaient pour consigne de n'accepter aucun ressortissant des sept pays concernés. Dimanche, les témoignages se multipliaient sur des personnes bloquées aux portes d'embarquement ou débarquées de vols, malgré la validité de leurs visas.

L'Iran était particulièrement concerné, étant donné le nombre d'Iraniens détenteurs de visas de travail ou étudiants.

Téhéran a immédiatement instauré la réciprocité contre les citoyens américains, et dimanche, des voix appelaient en Irak à prendre les mêmes mesures de rétorsion.

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Discrimination religieuse ?

Aux États-Unis, des manifestations auront lieu dimanche à Washington et à New York. Les patrons d'Apple, Google et Facebook se sont émus de l'impact sur leurs propres employés.

L'opposition démocrate a appelé au retrait du décret anti-réfugiés, dénonçant son caractère contraire aux valeurs américaines et son inefficacité pour lutter contre la menace djihadiste.

Il « ne fera que galvaniser ceux qui cherchent à nous faire du mal », a déclaré le chef des démocrates du Sénat, Chuck Schumer.

Au sein de la majorité républicaine, le malaise était perceptible. Peu d'élus ont publiquement pris la défense de Donald Trump, et une poignée de républicains ont condamné tout ou partie du décret.

Pour l'élu du Michigan Justin Amash, le décret semblait être plus motivé par des questions politiques que sécuritaires. « Si on s'inquiète du radicalisme/terrorisme, pourquoi pas l'Arabie saoudite, le Pakistan et d'autres ? » a-t-il écrit sur Twitter.

« Les tribunaux jugeront s'il est allé trop loin », a prudemment déclaré dimanche Mitch McConnell, chef de la majorité sénatoriale, sur ABC.

C'est en effet devant la justice que le sort du décret devrait se décider. La décision en urgence de la juge de Brooklyn s'ajoute à trois autres dans le pays bloquant les expulsions, mais aucune ne tranche sur la constitutionnalité de la décision présidentielle.

« Cela finira probablement devant la Cour suprême », a prédit Anthony Romero, directeur de l'ONG ACLU, sur CNN.

La Maison-Blanche a défendu un acte nécessaire pour ne « pas laisser s'infiltrer quelqu'un qui cherche à nous nuire », a martelé Sean Spicer.

L'exécutif devait aussi se défendre d'une volonté de discrimination religieuse. À la fin de la période de 120 jours, le décret stipule en effet que la priorité sera donnée aux réfugiés persécutés en raison de leur religion, une phrase désignant implicitement les chrétiens de Syrie et d'Irak.

Le président républicain n'a lui-même laissé aucun doute quant à cette préférence.

« Les chrétiens du Moyen-Orient sont exécutés en grand nombre. Nous ne pouvons laisser cette horreur se perpétuer ! » a-t-il écrit sur Twitter dimanche.

Photo Bryan R. Smith, AFP

Des manifestants se sont rassemblés à l'aéroport JFK de New York afin de protester contre le décret signé par Donald Trump, le 28 janvier.