Ils n'ont toujours rien compris à son élection, selon lui, et n'hésitent pas à publier de fausses informations pour lui nuire: à la veille de son investiture, Donald Trump s'en prend plus que jamais aux médias, poussés à faire évoluer leur couverture.

La conférence de presse du 11 janvier, la première depuis son élection, constituait, pour Donald Trump, la dernière occasion avant son arrivée à la Maison-Blanche de normaliser avec les médias une relation très difficile.

Ce fut tout le contraire: le président élu a distribué les bons et les mauvais points et dirigé ses coups sur deux cibles principales.

Le site BuzzFeed, d'une part, qui avait publié une note non vérifiée et potentiellement diffamatoire le concernant, a été qualifié de «tas d'ordures».

Et il a accusé la chaîne CNN, d'autre part, coupable à ses yeux d'avoir parlé de ce document, sans en mentionner le contenu néanmoins, de diffuser de «fausses informations».

Depuis, il a enchaîné par quelques tweets visant, pêle-mêle, les «mauvais» journalistes de NBC ou, une fois de plus, leurs collègues de CNN, qui verront bientôt «leur crédibilité s'envoler».

«Quand quelqu'un utilise un mégaphone pour taper sur les médias en permanence, c'est difficile. Ça a marché, ça marche toujours», observe Jane Hall, professeure de journalisme à l'école de communication de l'American University.

Diviser les médias

La température est même encore montée de quelques degrés lorsque plusieurs médias américains ont rapporté que l'équipe Trump envisageait de ne plus autoriser les journalistes accrédités à travailler à l'intérieur même de la Maison-Blanche, ce qui romprait avec une pratique de près de cinquante ans.

Pour les journalistes affectés à la présidence, qui ont publié mardi une lettre ouverte au futur président, l'idée s'inscrit dans la lignée de toute sa campagne: «vous empêchez la presse de vous couvrir».

Donald Trump ne fuit pas la presse, même s'il lui reproche d'avoir été partisane durant la campagne en prenant fait et cause pour Hillary Clinton. Il a tenté une réconciliation avec le New York Times après son élection et accordé plusieurs entretiens, à des chaînes de télévision et des journaux, notamment étrangers.

Mais son utilisation de Twitter, le ton de ses interventions et ses attaques répétées contre la presse le situent dans l'agressivité permanente.

«Je n'aime pas tweeter, mais je fais face à des médias malhonnêtes. (...) C'est le seul moyen que j'ai pour contre-attaquer», a justifié le président élu lors d'un entretien à la chaîne Fox News, diffusé mercredi.

«Il va essayer de décrédibiliser les organes de presse qui ont une couverture critique, chercher à les dresser les uns contre les autres, récompenser la couverture flatteuse de médias ouvertement pro-Trump et encourager les autres à suivre», a prévenu Matt Gertz, chercheur au sein de l'organisation indépendante Media Matters, sur son blogue.

Comme une illustration de cette description, lors de la conférence de presse du 11 janvier, Donald Trump a refusé, à plusieurs reprises, de laisser un reporter de CNN poser une question, mais a donné la parole à un journaliste de la petite chaîne d'information conservatrice One America News Network (OAN).

Le fait qu'aucun journaliste présent ne prenne, sur le coup, la défense de leur confrère de CNN, Jim Acosta, a, en outre, contribué à l'impression de médias divisés, jouant chacun pour soi, ce qui sied au président élu.

«Après coup, cela a déclenché une réflexion sur le thème: si ça arrive encore, les autres journalistes devraient réagir», explique Jane Hall.

«Zone de guerre»

Si certains réclament le maintien des accès à l'administration et à la Maison-Blanche, «importants symboliquement», d'autres voient dans cette obstruction systématique une chance, souligne Jane Hall.

«Plutôt que de s'appuyer sur les qualités traditionnelles du journalisme politique», peut-être la presse doit-elle «penser à couvrir le Washington de Trump comme une zone de guerre», propose l'éditorialiste Jack Shafer sur le site Politico.

«Oubliez la salle de presse de la Maison-Blanche», dit-il. «Il est temps de s'aventurer en territoire ennemi».

Il souligne qu'à leur manière, les organes de presse qui en ont les moyens ont déjà commencé à emprunter cette voie, le Washington Post et le Wall Street Journal avec de vraies équipes dédiées à l'investigation autour de la candidature, puis de la présidence Trump.

Mardi, le New York Times a annoncé que malgré des suppressions de postes à venir, il consacrerait cinq millions de dollars supplémentaires à la couverture du mandat de Donald Trump.

D'aucuns y voient une manière de reprendre la main face à un homme qui, selon le journaliste russe Alexey Kovalev, le comparant à Vladimir Poutine, ne peut être atteint «par des faits ou un raisonnement».