Malgré les nombreux boycotts et critiques émanant depuis des mois de tous les États-Unis, la Caroline du Nord n'a pas abrogé mercredi une loi controversée obligeant les personnes transgenres à utiliser les toilettes correspondant à leur sexe à la naissance.

«Non à la haine dans mon État», pouvait-on lire sur l'une des pancartes brandies par les manifestants qui s'étaient rassemblés dès le début de matinée devant l'Assemblée générale à Raleigh, capitale de cet État du sud-est américain.

À l'intérieur, les parlementaires ont débattu pendant plusieurs heures à huis clos sur l'abrogation de cette loi introduite en mars et obligeant les personnes transgenres à utiliser, dans les bâtiments administratifs et les écoles, les toilettes correspondant à leur sexe à la naissance et non à celui auquel elles s'identifient.

En vain. En fin de journée, l'Assemblée a finalement reporté la séance extraordinaire de vote sine die.

«J'espère que nous pourrons travailler ensemble pour parvenir à une décision, car nous ne pouvons pas nous permettre le luxe de continuer à être méprisés par le reste du pays», s'est lamenté le sénateur démocrate Floyd McKissick.

Extrêmement sensible, ce dossier agite la Caroline du Nord depuis des mois. La «bataille des toilettes» a d'ailleurs fortement pesé sur les élections locales, qui ont vu le gouverneur républicain sortant, soutenant la loi, s'incliner le 8 novembre devant un démocrate qui l'avait vigoureusement dénoncé.

«600 millions de dollars perdus»

Concernant une infime minorité mais fortement symbolique, elle a été jugée discriminatoire par de nombreuses personnalités.

Bruce Springsteen, Cindy Lauper ou encore le Cirque du Soleil ont annulé des représentations dans l'État tandis que de grandes institutions sportives, comme la NBA, ont préféré organiser ailleurs leurs rencontres prestigieuses. Le groupe Paypal a lui renoncé à un projet d'investissement et une centaine de dirigeants de grandes entreprises, dont Apple, Bank of America ou Facebook, ont écrit au gouverneur sortant pour protester.

Après les élections, démocrates et républicains étaient finalement parvenus à un accord pour voter sur l'abrogation de la loi, en échange de l'annulation d'une norme municipale de la ville de Charlotte, qui luttait au contraire contre les discriminations.

Mais la proposition démocrate de l'abroger n'a finalement pas reçu assez de soutiens de la part des républicains, qui ont posé une condition à leur vote: interdire aux municipalités d'approuver des normes anti-discriminatoires similaires à celles de Charlotte, «sur les logements publics ou accès aux toilettes, douches et vestiaires», pendant une «période de réflexion».

«Je ne crois pas que cela nous rende les plus de 600 millions de dollars d'investissements perdus», s'est indigné le sénateur Floyd McKissick.

«Démonstrations d'intolérance» 

«La discrimination autorisée par l'État est inacceptable», a dit Chris Brook, responsable local de la puissante organisation américaine de défense des droits ACLU.

En Caroline du Nord, les personnes LGBT (lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres) «ont hâte que ces démonstrations dangereuses d'intolérance cessent», a-t-il écrit dans un communiqué.

Le débat a largement dépassé les frontières de la Caroline du Nord, beaucoup de progressistes estimant aux États-Unis que des mesures de ce type ont été adoptées comme une riposte de la part des conservateurs à la consécration du mariage gay par la Cour suprême en 2015.

A l'échelle fédérale, le gouvernement sortant de Barack Obama affirme lui que l'accès aux toilettes du système éducatif public doit se faire selon le sexe auquel un élève s'identifie. Mais l'idée est fermement combattue par plusieurs États républicains, qui dénoncent une intromission de l'administration centrale dans leurs affaires et ont entamé des poursuites en justice.

«L'objectif des guerres des toilettes: humilier la majorité normale des Américains», titrait en avril une tribune sur le site d'extrême droite Breitbart, dont le patron à l'époque, Steve Bannon, est maintenant un haut conseiller du président élu Donald Trump.

S'il a multiplié les déclarations jugées discriminatoires pendant la campagne contre d'autres minorités, Donald Trump s'est sur ce sujet montré tolérant, en déclarant que les personnes transgenres devraient pouvoir utiliser les toilettes qu'elles veulent.

La Cour suprême des États-Unis est entrée dans le débat en octobre, en annonçant qu'elle déciderait dans quels W.-C. doivent aller les personnes transgenres par le biais du dossier d'un adolescent de Virginie. Une nouvelle affaire ultrasensible qui sera plaidée d'ici fin juin.