Jusqu'à hier, toutes les décisions de Donald Trump concernant son futur cabinet avaient reçu un accueil unanime chez les républicains du Congrès. Cette belle harmonie a cependant pris fin hier lorsque certains élus du Grand Old Party ont fait entendre des doutes à propos de la sélection de Rex Tillerson au poste le plus prestigieux d'une administration américaine, celui de secrétaire d'État. Au point où la confirmation par le Sénat de cette nomination ne peut être considérée comme acquise.

Les partisans d'une ligne dure à l'égard de la Russie voient d'un mauvais oeil la présence du PDG d'ExxonMobil à la tête de la diplomatie américaine. Le Texan de 64 ans a noué des liens trop serrés à leur goût avec Vladimir Poutine au cours des 20 dernières années. Des liens qui ont d'ailleurs poussé le président russe à lui décerner l'ordre de l'Amitié en 2012 après la conclusion d'une énième entente entre la multinationale américaine et une des sociétés pétrolières de son pays.

« Bien que Rex Tillerson soit un homme d'affaires respecté, je suis très préoccupé par cette nomination. » - Le sénateur républicain de Floride Marco Rubio, hier, dans un communiqué.

La veille, l'ancien rival de Donald Trump dans la course à l'investiture républicaine avait été plus mordant sur Twitter : « Être un "ami de Vladimir" n'est pas un attribut que je recherche chez un secrétaire d'État. »

Rubio siège à la commission des affaires étrangères du Sénat, qui aura le premier mot à dire dans le processus devant mener à la confirmation de Tillerson. Si tous les démocrates de cette commission s'opposent à la nomination du PDG d'Exxon, la défection d'un seul républicain pourrait la bloquer. Ce vote sera précédé d'au moins une audition de Tillerson devant la commission.

Si la nomination de Tillerson franchit la première étape, elle sera ensuite soumise à l'approbation de l'ensemble du Sénat, où les républicains ont une mince majorité de deux sièges. Or, parmi leur groupe, John McCain et Lindsey Graham font également partie des faucons qui promettent d'examiner de près les réponses du PDG d'Exxon sur la Russie, et notamment sur Poutine.

« Ce type est un voyou et un meurtrier et je ne vois pas comment quelqu'un peut être un ami de ce vieil agent du KGB. » - Le sénateur républicain de l'Arizona John McCain, hier, sur CNN

Les faucons républicains pourront compter sur les sénateurs démocrates pour amplifier leurs critiques. « Le terme conflit d'intérêts ne peut même pas décrire le réseau suspect d'intérêts commerciaux et bancaires que Tillerson et son entreprise Exxon partagent avec Vladimir Poutine et les sociétés pétrolières russes », a dénoncé le sénateur du New Jersey Bob Menendez, tout en déplorant le manque d'expérience de l'homme d'affaires en matière diplomatique.

À la tête d'Exxon, Tillerson a conclu des ententes évaluées à plusieurs centaines de milliards de dollars avec des sociétés pétrolières russes, ententes qui sont aujourd'hui bloquées en raison des sanctions contre la Russie. À titre de secrétaire d'État, il pourrait contribuer à éliminer ces sanctions et à enrichir la société pour laquelle il travaille depuis plus de 40 ans. Ce conflit d'intérêts ne trouble pas seulement les démocrates.

APPUIS IMPORTANTS

Cela dit, Tillerson a des appuis de taille chez les républicains, incluant le chef de la majorité au Sénat Mitch McConnell et le président de la commission des affaires étrangères Bob Corker. Des piliers des deux dernières administrations républicaines, dont l'ancienne secrétaire d'État Condoleezza Rice et l'ancien secrétaire à la Défense Robert Gates, ont également vanté le Texan de 64 ans.

Mais la nomination de Tillerson est le deuxième dossier de la semaine qui provoque un différend entre Trump et des républicains du Congrès. L'autre porte sur la conclusion de la CIA selon laquelle la Russie a interféré dans l'élection présidentielle pour aider Trump à se faire élire. Ridiculisée par le président désigné, cette conclusion a mené des sénateurs républicains à réclamer la tenue d'enquêtes parlementaires sur la question, demande à laquelle ont acquiescé les chefs de file de leur parti au Sénat et à la Chambre des représentants.

Mais des républicains iront-ils jusqu'à défier Trump sur son choix pour occuper le poste le plus prestigieux de son cabinet ? La réponse n'arrivera pas avant le début de 2017.

photo Marko Djurica, archives reuters

Le sénateur John McCain

photo Jonathan Ernst, archives reuters

Le sénateur Marco Rubio

D'AUTRES NOMINATIONS CONTROVERSÉES DE DONALD TRUMP

JEFF SESSIONS

JUSTICE

Le sénateur de 69 ans a des positions très dures en matière d'immigration clandestine et est une personnalité controversée pour des propos racistes tenus il y a plusieurs années.

STEVEN MNUCHIN

TRÉSOR 

Cet ancien dirigeant de la banque Goldman Sachs est âgé de 53 ans. Sa proximité avec les marchés pourrait s'avérer à la fois un atout et un handicap en pleine montée du populisme. Il a aussi produit des superproductions hollywoodiennes comme Avataret Suicide Squad.

WILBUR ROSS

COMMERCE

Ce milliardaire de 79 ans est surtout connu pour ses investissements dans des sociétés de charbonnage en difficulté, qu'il revendait avec de juteux profits. D'où son surnom de « Roi de la banqueroute ».

TOM PRICE

SANTÉ

Ancien chirurgien orthopédique de 62 ans, Tom Price est antiavortement et vivement opposé à la réforme de l'assurance maladie Obamacare.

ANDREW PUZDER

TRAVAIL

Patron millionnaire du groupe de restauration rapide CKE Restaurants et âgé de 66 ans, il est opposé à une hausse du salaire minimum et favorable à l'automatisation pour réduire les coûts salariaux.

SCOTT PRUITT

AGENCE DE PROTECTION DE L'ENVIRONNEMENT (EPA) 

Ministre de la Justice de l'État de l'Oklahoma, ce climatosceptique de 48 ans s'est battu contre les mesures mises en oeuvre durant la présidence de Barack Obama pour réduire les émissions de gaz à effet de serre.

STEVE BANNON

CONSEILLER EN STRATÉGIE

L'homme de 63 ans dirigeait le site Breitbart jusqu'à son recrutement en août par Donald Trump en tant que directeur général de sa campagne. Breitbart est considéré comme la plaque tournante de la « droite alternative », mouvement associé aux idées nationalistes et partisan de la supériorité de la « race blanche ». 

- D'après l'Agence France-Presse