Relancées par la victoire de Donald Trump contre Hillary Clinton, les critiques contre l'archaïque système du collège électoral s'intensifient à l'approche de l'élection du 19 décembre, les perdants démocrates et quelques républicains rêvant de pouvoir encore empêcher une présidence Trump.

Le 8 novembre dernier, plus de 136 millions d'Américains ont élu des grands électeurs, État par État, et non directement Donald Trump. Le républicain a obtenu 46,2 % des voix totales contre 48,2 % pour Hillary Clinton, mais en raison de la répartition inégale de ces voix, il a engrangé une majorité de grands électeurs, 306 contre 232 pour la démocrate.

Les grands électeurs se réuniront le 19 décembre dans chacun des États fédérés pour formellement élire le candidat à la présidence, ainsi que le vice-président.

Dans 21 États, aucune loi n'interdit aux grands électeurs de voter pour qui bon leur semble.

Il est toutefois extrêmement rare qu'un grand électeur s'émancipe des résultats des urnes de son État... C'est arrivé neuf fois depuis la guerre, selon l'organisation FairVote. Souvent, ils ne risquent qu'une amende.

Mais pour les opposants de Donald Trump, c'est une aubaine, et le collège électoral se retrouve donc dans la position de dernier rempart contre une présidence Trump... dans le cas improbable où 37 républicains décideraient de se révolter et de ne pas voter pour Donald Trump. Dans ce cas, l'élection du président reviendrait en théorie à la Chambre des représentants à Washington, bien qu'un chaos judiciaire soit plus probable.

« 54 % des électeurs ne voulaient pas de Donald Trump », a plaidé le réalisateur Michael Moore sur NBC, rêvant à haute voix : « Il est possible, tout juste possible, que dans les six prochaines semaines, il se passe quelque chose, quelque chose de fou, auquel on ne s'attend pas ».

« Un homme dangereux à la présidence »

Un parlementaire démocrate, Jim Hines, s'est joint à cette idée folle. « Pourquoi le collège électoral existerait-il si ce n'était pour faire ce qu'il pourrait faire dans une semaine, c'est-à-dire dire (...) que nous nous apprêtons à installer un homme dangereux à la présidence ? »

Pour l'instant, ces personnalités prêchent dans le désert, mais au moins un grand électeur républicain a annoncé qu'il ne voterait pas pour Donald Trump, Chris Suprun dans le Texas. Ailleurs, des démocrates contestent le système, mais peinent à entraîner des républicains.

Le système du collège électoral date de la Constitution de 1787.

Les pères fondateurs y voyaient un compromis entre une élection du président au suffrage universel direct, qui aurait avantagé les candidats issus des grands États, et une élection par le Congrès, considérée comme trop peu démocratique.

La Constitution laisse les États fédérés entièrement libres de décider comment sont désignés les grands électeurs.

Au départ, les assemblées locales nommaient elles-mêmes les grands électeurs, et il faudra attendre des décennies pour que cette prérogative soit partout déférée aux électeurs.

Réformes avortées

De nombreuses réformes ont été proposées, surtout de la fin des années 1940 à 1979, selon un rapport parlementaire. Mais aucune n'a abouti.

Donald Trump lui-même avait qualifié le système de « catastrophe » en 2012. Depuis sa propre victoire, le 45e président désigné le qualifie de « génial ».

Après la défaite d'Hillary Clinton, une sénatrice démocrate a déposé une proposition de loi pour abolir purement et simplement le collège électoral. Sans aucune chance d'aboutir.

Le mouvement le plus mûr contournerait le très difficile processus d'amendement de la Constitution pour créer une coalition d'États qui accepteraient volontairement d'allouer leurs grands électeurs au vainqueur du suffrage populaire national, une initiative connue sous le nom de « National Popular Vote interstate compact ».

Onze États représentant 165 grands électeurs ont changé leurs lois pour participer ; mais ils sont encore loin des 270 grands électeurs requis pour que la réforme se concrétise.

Lundi, dix grands électeurs, dont neuf démocrates, ont trouvé un nouvel argument dans un rapport de la CIA selon lequel les cyberattaques de Moscou pendant la campagne visaient à aider Donald Trump à être élu.

« S'il y a eu une interférence grave dans notre élection d'un État étranger, et qui a eu un impact, les grands électeurs (...) devraient pouvoir voter selon leur conscience », dit à l'AFP l'un des signataires, le démocrate Clay Pell.