Les chefs du Congrès américain ont annoncé lundi le lancement prochain d'une enquête parlementaire sur les interférences russes dans l'élection américaine, mais Donald Trump continuait de rejeter l'idée que la Russie de Vladimir Poutine soit intervenue pour l'aider à battre Hillary Clinton.

La CIA a conclu dans un rapport secret révélé vendredi par le Washington Post que la Russie était intervenue par ses cyberattaques dans la campagne électorale dans le but précis d'aider Donald Trump à être élu, et non dans le but plus général de troubler le bon déroulement de l'élection.

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Mais le successeur de Barack Obama, qui prendra ses fonctions le 20 janvier, rejette avec force cette conclusion, jetant l'opprobre sur un service de renseignement à la réputation entachée par ses rapports erronés après le 11 septembre 2001 sur les liens entre Saddam Hussein et Al-Qaïda.

Donald Trump l'a dit à plusieurs reprises en interviews, et à nouveau sur Twitter lundi.

« À moins que vous ne preniez les pirates en flagrant délit, il est très difficile de déterminer qui a piraté. Pourquoi cela n'a-t-il pas été publié avant l'élection ? », a-t-il écrit.

Donald Trump ne cache pas ses affinités avec Vladimir Poutine et son intention de rétablir des liens plus amicaux avec la Russie. Il envisage également de nommer secrétaire d'État Rex Tillerson, le patron du géant pétrolier ExxonMobil qui a des exploitations dans plus de 50 pays et notamment la Russie, où il est réputé bien connaître le président Poutine.

En octobre, la communauté du renseignement américain a été unanime à accuser publiquement la Russie d'avoir piraté des partis politiques dans le but d'interférer dans l'élection.

Des messages internes au Parti démocrate ont été dérobés puis diffusés en juillet, conduisant à la démission de la présidente du parti. Dans les dernières semaines avant l'élection, des milliers de messages du président de l'équipe de campagne d'Hillary Clinton ont été publiés par WikiLeaks, jetant une lumière crue sur les délibérations internes. À l'inverse, aucun message du Parti républicain n'a été publié.

À Moscou, le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a dénoncé lundi « des accusations gratuites, non professionnelles qui n'ont rien à voir avec la réalité ».

Pas de commission spéciale

Depuis un mois, nombreux sont les parlementaires démocrates, mais aussi républicains, qui n'entendaient pas tourner la page de l'élection si facilement.

Barack Obama a commandé une analyse complète des attaques informatiques ayant pu influencer la campagne électorale.

Mais les sénateurs républicains très influents John McCain et Lindsey Graham, ennemis de Moscou, ainsi que les démocrates Chuck Schumer et Jack Reed ont lancé ce week-end un appel retentissant à mener une enquête parlementaire, avec des auditions publiques au Congrès, pour établir comment et pourquoi Moscou serait intervenu dans l'élection.

Leur appel a été entériné lundi par les deux républicains qui détiennent les clés du Congrès.

« Les Russes ne sont pas nos amis », a déclaré l'homme fort du Sénat, Mitch McConnell, lors d'une conférence de presse. « J'ai la plus grande confiance dans la communauté du renseignement et en particulier la CIA », a-t-il dit pour exprimer son soutien à l'agence d'espionnage.

« Toute intervention étrangère dans nos élections est entièrement inacceptable. Et toute intervention de la Russie est particulièrement problématique, car, sous le président Poutine, la Russie a été un agresseur, constamment en train de saper les intérêts américains », a renchéri Paul Ryan, président de la Chambre des représentants.

Mais les deux hommes ont rejeté l'idée d'une grande commission d'enquête spéciale sur le modèle de ce qui fut constitué pour le Watergate ou le 11-Septembre, composée d'élus des deux chambres, ce qui aurait donné plus d'importance et de publicité aux travaux.

Ces fins stratèges politiques semblent réticents à l'idée de bouleverser le programme du prochain Congrès avec une enquête potentiellement explosive.

Ils s'en sont donc remis aux discrètes commissions du Renseignement, compétentes en la matière, et Paul Ryan a mis en garde contre toute exploitation partisane des travaux.

La Maison-Blanche a annoncé lundi soutenir le lancement de ces enquêtes, le porte-parole Josh Earnest taclant au passage Donald Trump pour ses propos : « Il n'y a pas besoin d'habilitation au secret de défense pour comprendre à qui les cyberactivités de la Russie ont profité ».

Des grands électeurs veulent être informés

L'entourage d'Hillary Clinton s'est joint lundi à l'appel de dix grands électeurs présidentiels américains qui ont demandé au directeur national du renseignement plus d'informations sur les cyberattaques russes pendant la campagne.

Dix des 538 grands électeurs qui éliront Donald Trump président des États-Unis le 19 décembre, selon les résultats du scrutin du 8 novembre, ont publié lundi une lettre ouverte à James Clapper, directeur du renseignement national, afin qu'il communique aux grands électeurs toute information relative à des « interférences du gouvernement russe dans l'élection ».

« Nous demandons une séance d'information sur tout résultat de ces enquêtes, car ces questions ont un impact direct sur nos délibérations pour déterminer si M. Trump est apte à exercer les fonctions de président des États-Unis », écrivent ces grands électeurs, dont neuf sont démocrates.

Quelques heures plus tard, le président de l'équipe de campagne d'Hillary Clinton, John Podesta, a fait savoir qu'il soutenait cette requête inhabituelle.

« Notre équipe a dénoncé l'interférence des Russes dans notre campagne, ainsi que leur objectif apparent de nuire à notre campagne afin d'aider Donald Trump », a-t-il déclaré dans un communiqué à Politico.

Donald Trump a obtenu 46,2 % des voix au total le 8 novembre, contre 48,2 % pour Hillary Clinton. Mais en raison de la répartition inégale de ses voix, il a obtenu 306 grands électeurs contre 232 pour la démocrate, faisant de lui le 45e président du pays.

Particularité américaine, ce sont ces 538 grands électeurs qui éliront officiellement le président en votant, dans leurs États, le 19 décembre.

Le sujet est d'autant plus sensible pour John Podesta que sa messagerie personnelle a été piratée au cours de la campagne, des milliers de messages gênants ayant été publiés depuis le 7 octobre sur le site WikiLeaks. Des pirates liés à Moscou sont pointés du doigt par Washington dans cette affaire et d'autres intrusions informatiques contre le Parti démocrate.

Mais Donald Trump réfute toute immixtion de la Russie à son profit, rejetant les conclusions d'un rapport secret de la CIA révélé vendredi par le Washington Post.