L'État du Texas, qui a multiplié au cours des dernières années les mesures visant à restreindre l'accès à l'avortement, vient d'introduire de nouvelles règles qui forceront les cliniques à enterrer ou incinérer formellement les foetus avortés plutôt que d'en disposer comme d'autres déchets biologiques.

QUI EST L'INSTIGATEUR DE L'INITIATIVE?

Le gouverneur du Texas, Greg Abbott, est catégoriquement opposé à l'avortement et se targue de « mener la nation » dans l'adoption de lois pro-vie. Il a notamment défendu une loi visant à imposer aux cliniques d'avortement des normes sanitaires très restrictives qui auraient forcé la plupart d'entre elles à fermer. Elle a été invalidée cet été par la Cour suprême dans une décision étoffée qui rappelait les dispositions du jugement historique Roe contre Wade assurant le droit des femmes à l'avortement dans le pays. Le projet visant à revoir la manière dont les restes foetaux sont traités après un avortement a été annoncé quelques jours plus tard.

QUE VISE LE GOUVERNEUR DU TEXAS?

Dans un courriel envoyé à ses partisans cet été, Greg Abbott a déclaré à ce sujet qu'il était « impératif d'établir de nouveaux standards » respectant « le caractère sacré de la vie ». Il a précisé qu'il ne croyait pas que des « restes humains et foetaux devraient être traités comme des déchets médicaux et jetés dans des dépotoirs ». À sa demande, l'organisme étatique chargé de la santé a revu les règles régissant les établissements de santé en précisant qu'un traitement distinct serait réservé aux foetus avortés. Ils devront désormais être enterrés ou incinérés comme on le ferait pour une personne morte, alors qu'ils pouvaient précédemment être enfouis dans un dépotoir après avoir été désinfectés.

COMMENT LA PROPOSITION A-T-ELLE ÉTÉ ACCUEILLIE?

Les organisations pro-vie du Texas ont accueilli les nouvelles règles, qui doivent entrer en vigueur la semaine prochaine, avec enthousiasme. La coalition Texans for Life a notamment déclaré que les « restes humains » de toute nature méritaient d'être traités avec « dignité et respect ». Les organismes pro-choix ont décrié de leur côté l'initiative comme un nouveau stratagème visant à restreindre le recours aux interruptions de grossesse. Le groupe pro-choix NARAL estime qu'il s'agit d'une tentative « à peine dissimulée pour faire honte aux Texanes qui ont des avortements et compliquer la tâche des médecins qui veulent leur offrir ce service ». L'organisation craint que les frais liés à l'enfouissement et à l'incinération, qui devraient être assumés par les cliniques, ne se traduisent par une augmentation du coût de l'avortement, réduisant d'autant l'accessibilité à l'intervention.

LES NOUVELLES RÈGLES SONT-ELLES LÉGALES?

Blake Recop, le conseiller juridique de NARAL, estime qu'il ne semble pas illégal a priori de modifier les règles en vigueur pour le traitement des restes foetaux sans passer par une loi en bonne et due forme. Les modifications envisagées semblent cependant aller à l'encontre des lignes directrices énoncées dans le jugement de la Cour suprême de l'été dernier, dit-il, puisqu'elles ne favorisent en rien la santé publique ou le bien-être de la mère. Il s'agit en fait d'une nouvelle stratégie du mouvement pro-vie en vue de conférer ultimement au foetus un statut légal et empêcher le recours à l'avortement, juge M. Recop, qui s'attend à ce que l'initiative texane soit rapidement contestée devant les tribunaux.

EST-CE QUE LE TEXAS EST LE SEUL ÉTAT À VOULOIR PROCÉDER EN CE SENS?

Selon le Guttmacher Institute, qui observe l'évolution de la législation américaine en matière d'avortement, une dizaine d'États ont entrepris depuis le début de l'année d'introduire de nouvelles normes régissant la manière dont sont traités les restes foetaux. Deux d'entre eux, l'Indiana et la Louisiane, ont adopté des lois dont l'application est actuellement bloquée par les tribunaux. Par ailleurs, en ce qui a trait à l'Indiana, ces lois ont été signées par le vice-président désigné Mike Pence, en tant que gouverneur de l'État. Elizabeth Nash, recherchiste de l'organisation, relève que l'intérêt pour cette question a été alimenté notamment par la diffusion en 2015, par une organisation pro-vie, de vidéos controversées suggérant que Planned Parenthood vendait illégalement des restes foetaux. Une douzaine d'États ont enquêté à ce sujet sans trouver de fondement aux allégations ciblant cette organisation de planification familiale qui pratique des avortements.

Photo Michael Nagle, archives Bloomberg

Le gouverneur du Texas, Greg Abbott, est catégoriquement opposé à l'avortement et se targue de « mener la nation » dans l'adoption de lois pro-vie.

Photo Tamir Kalifa, archives Associated Press

Les organismes pro-choix ont décrié l'initiative comme un nouveau stratagème visant à restreindre le recours aux interruptions de grossesse.