Quatre semaines après son élection à la tête de la première puissance mondiale, Donald Trump n'a pas changé ses habitudes de communication ni sa façon de brouiller les pistes politiques, adoptant la même posture de négociateur imprévisible que le candidat Trump.

Du haut de la Trump Tower de New York, le président désigné Donald J. Trump a tweeté 116 fois, certains messages étant déjà passés à la postérité : « Fidel Castro est mort ! » le 26 novembre, la dizaine de tweets dénonçant la partialité supposée du New York Times, ou encore ceux défiant brutalement Pékin sur sa monnaie et ses velléités militaires.

Illustrant la possible surprise de l'intéressé lui-même, qui n'avait loué pour la soirée électorale qu'une petite salle à New York, les premiers jours suivant l'élection furent marqués par des couacs et une relative improvisation, sur fond de règlements de comptes.

Mais Donald Trump a rapidement trouvé son rythme et il est aujourd'hui en avance sur ses prédécesseurs dans la formation de son gouvernement, qui prendra les rênes des États-Unis le 20 janvier, après la cérémonie d'investiture au Capitole à Washington.

Il a également unifié la famille républicaine, trop heureuse de retrouver le goût du pouvoir.

L'ex-candidat populiste n'oublie toutefois pas qu'il doit sa victoire non à l'establishment, mais au peuple de droite. Il a donc lancé une tournée inédite dans les États qu'il a remportés le 8 novembre.

Après avoir savouré ce retour aux sources, dans l'adulation de ses partisans dans l'Ohio jeudi dernier, il se rendra mardi soir à Fayetteville, en Caroline du Nord, dans un aréna de 10 880 places qui fut le théâtre de rassemblements houleux pendant la campagne électorale.

L'anti-système à l'épreuve

« Il mérite une bonne note pour avoir nommé plus de membres de son cabinet que la moyenne » à ce stade de la transition, analyse Larry Sabato de l'Université de Virginie. L'expert relève qu'après avoir nommé des personnalités controversées, dont le conseiller Steve Bannon, très contesté par la gauche en raison de sa popularité au sein de l'extrême droite américaine, Donald Trump ne s'est pas recroquevillé sur une droite réactionnaire.

Jour après jour, des personnalités issues de divers horizons défilent à la Trump Tower de New York : républicains conservateurs et modérés, fidèles et ex-ennemis, milliardaires et chefs d'entreprises, et même des élus démocrates.

Mais il a été forcé de puiser dans le réservoir de Wall Street, pourtant vilipendé ad nauseam pendant la campagne, ainsi que des lobbyistes. « Il n'y a que des gens comme ça là-bas », s'est-il défendu.

Il continue d'ignorer les admonestations des correspondants de la Maison-Blanche, qui lui reprochent de n'avoir toujours pas fait de conférence de presse et de ne pas accepter de journalistes à bord de son avion.

Et il balaie du revers de la manche les questions sur le recrutement possible comme conseiller de son gendre de 35 ans Jared Kushner, ou sur d'éventuels conflits d'intérêts entre son empire immobilier international et la fonction suprême ; ses partenaires indiens se frottent déjà ouvertement les mains, par exemple. La famille Trump dévoilera le 15 décembre un plan de réorganisation du groupe familial.

Pragmatique ou flou ?

Sur le fond, Donald Trump reste fidèle à sa méthode : au-delà des déclarations fracassantes, cultiver l'ambiguïté et ne pas dévoiler ses cartes avant la négociation.

Il n'y avait qu'à voir les réactions des élus du Congrès, républicains comme démocrates, à ses déclarations martiales sur Cuba. Bien malin qui peut prédire si le prochain président voudra continuer sous conditions le rapprochement engagé par Barack Obama, ou revenir en arrière.

« Je ne sais pas ce qu'il veut faire et je crois que lui non plus », dit à l'AFP le vieux sénateur démocrate Patrick Leahy.

Abrogera-t-il complètement la réforme du système de santé de Barack Obama ? « M. Trump utilise des phrases qui ne nous éclairent pas vraiment », constate aussi le démocrate Ben Cardin.

Idem sur l'accord nucléaire avec l'Iran, l'accord de Paris sur le climat, ou les relations avec Pékin que Donald Trump a défié en parlant avec la dirigeante taïwanaise au téléphone, rompant avec plus d'un quart de siècle de protocole.

Ses supporteurs se félicitent en tout cas de ces premières semaines, qui prouvent selon eux que le populiste n'a rien perdu de son mordant. Seule déception, pour Collin Miller, 19 ans, venu voir le républicain la semaine dernière à Cincinnati : « le fait qu'il ait renoncé à poursuivre Hillary Clinton ».