Il fut un candidat atypique et n'a pas l'intention de changer : Donald Trump poursuit la mise en place de son équipe, avec la nomination plutôt consensuelle du général Mattis au Pentagone, mais entend garder son style, entre effets de surprises, provocations et forfanterie.

Au lendemain d'un rassemblement dans l'Ohio aux accents de campagne électorale, le ballet des visiteurs en quête d'un poste dans la nouvelle administration a repris vendredi matin dans la Trump Tower, au coeur de Manhattan. L'ex-ambassadeur à l'ONU John Bolton, en lice pour le poste très convoité de chef de la diplomatie américaine, fait partie des personnes attendues.

Le choix du général retraité James Mattis, 66 ans, comme prochain secrétaire à la Défense, a été bien accueilli par nombre d'élus démocrates comme républicains.

Figure de l'armée américaine connue pour son franc-parler, mais aussi son goût de la lecture et de l'histoire militaire, il a commandé sur les champs de bataille les plus difficiles, en Irak et en Afghanistan, des missions qui lui ont valu son surnom de « mad dog », l'« enragé ».

La future administration Trump comptera donc au moins deux anciens généraux, avec Michael Flynn, nommé conseiller à la sécurité nationale. Une situation inédite dans un pays qui, depuis ses origines, a toujours exigé un strict contrôle des militaires par le pouvoir civil.

Donald Trump, qui a choisi, à la surprise générale, de faire cette annonce devant des milliers de supporteurs venus le voir jeudi soir à Cincinnati (Ohio), a bien l'intention de retrouver l'atmosphère des mois écoulés, avec un ton légèrement plus consensuel sur le fond, mais toujours provocateur sur la forme.

« Nous allons poursuivre notre tournée pour remercier les États où nous n'étions pas censés gagner et où nous avons parfois remporté une victoire écrasante », a-t-il expliqué dans un entretien diffusé vendredi matin sur Fox News.

Le camp républicain, très divisé durant la campagne sur cet outsider, s'est vite adapté à cette nouvelle réalité, même si quelques rares voix dissonantes se font toujours entendre.

Paul Ryan, président républicain de la Chambre des représentants, qui avait lâché Donald Trump dans la dernière ligne droite, lui tresse désormais des lauriers et voit même des vertus dans son style singulier.

« Donald Trump fut un candidat non conventionnel, il sera un président non conventionnel », a résumé l'homme fort du Congrès dans un entretien à l'émission 60 minutes qui sera diffusée dimanche sur CBS. « Je lui parle presque tous les jours, et ce que j'aime chez lui c'est ce côté «le type qui abat du boulot» ».

Pas présidentiel ? « Tant pis ! »

Donnant parfois l'impression d'être encore étonné lui-même du pouvoir et de l'influence dont il dispose désormais, le président désigné prend un plaisir évident à la phase de « recrutement » dans laquelle il est plongé.

« Il y a une bonne alchimie entre nous (...) Il a été très gracieux », a-t-il dit sur Fox à propos de Mitt Romney, en lice pour être secrétaire d'État, évoquant ses récents propos flatteurs à son égard. Le candidat républicain à la présidentielle de 2012 a opéré un virage spectaculaire après avoir, durant la campagne, traité le magnat de l'immobilier de « charlatan » et d'« imposteur ».

Si le flou reste entier sur l'identité de celui qui prendra la tête de la diplomatie américaine, le style du président désigné avec ses homologues étrangers suscite une forme de stupeur.

Son échange téléphonique avec le premier ministre pakistanais Nawaz Sharif, qu'il a couvert d'éloges, a interloqué nombre de diplomates. Mi-novembre, il avait sidéré les observateurs en recevant le chef du gouvernement japonais Shinzo Abe en présence de sa fille Ivanka.

Mais les critiques sur le style et la forme ont semble-t-il peu de prise sur l'homme d'affaires septuagénaire.

Lors d'une visite dans une usine de l'Indiana du fabricant Carrier, dont il affirme avoir forcé les dirigeants à renoncer à une délocalisation vers le Mexique, il a revendiqué haut et fort sa démarche, en rupture avec l'image traditionnelle de l'occupant de la Maison-Blanche.

« Ils disent que ce n'est pas présidentiel d'appeler ainsi les dirigeants de grandes entreprises. Je pense au contraire que c'est très présidentiel. Et si ça ne l'est pas, tant pis !».