Le nouveau président élu américain Donald Trump avait prévu une « journée chargée » vendredi : il prépare son gouvernement, commence à nouer des contacts à l'international, et s'est entretenu brièvement avec le président français François Hollande.

De petites manifestations anti-Trump ont encore émaillé la nuit dans une vingtaine de villes américaines, dont la plus violente à Portland dans l'Oregon. Des manifestants ont brisé des vitres de magasins et de voiture, ont lancé des projectiles contre la police qui a parlé d'« émeutes » et a interpellé 26 personnes.

Quelques heures après une élection qui a surpris le monde entier, Donald Trump a fait son retour sur Twitter, l'une de ses armes préférées durant la campagne.

« Journée chargée prévue à New York. Je vais bientôt prendre des décisions très importantes sur les gens qui vont diriger notre gouvernement », a tweeté le milliardaire républicain populiste vendredi matin.

Il s'est entretenu « environ 7-8 minutes » par téléphone avec le président français François Hollande, et les deux hommes ont affirmé leur « volonté de travailler en commun », selon l'entourage du président français.

L'équipe de campagne de Trump l'a rejoint vendredi pour travailler à la transition, dans la tour Trump où il a ses bureaux et sa résidence privée sur la Ve avenue à New York. D'importantes mesures de sécurité y ont été mises en place avec l'installation de blocs de béton tout autour et une forte présence policière.

Donald Trump, 70 ans, qui sera le plus vieux président à entrer à la Maison-Blanche, doit prendre ses fonctions le 20 janvier.

« Clarifier les positions »

Dans leur conversation, le président français et M. Trump ont « évoqué les sujets communs sur lesquels ils sont convenus de travailler pour clarifier les positions : la lutte contre le terrorisme, l'Ukraine, la Syrie, l'Irak et l'accord de Paris » sur le climat (COP21), a précisé l'entourage du président français.

M. Trump avait jeudi invité la première ministre britannique Theresa May à lui rendre visite « aussi vite que possible » lors d'une première conversation téléphonique.

Il s'est aussi entretenu par téléphone avec le premier ministre japonais Shinzo Abe, et les deux hommes ont convenus de se rencontrer la semaine prochaine, avec une date - provisoire - fixée au 17 novembre.

M. Trump s'est par ailleurs engagé à travailler pour une « paix juste et durable » entre Israël et les Palestiniens, dans un premier message sur le sujet depuis son élection publié vendredi par le journal Israel Hayom.

Au niveau intérieur, la mise en place de son gouvernement se prépare lentement. Les noms évoqués pour l'instant par les médias américains n'ont rien du changement et du message anti-establishment sur lequel Donald Trump avait construit sa campagne.

Sont évoqués pour différents ministères l'ancien maire de New York, Rudy Giuliani, 72 ans ; l'ancien président de la Chambre des représentants Newt Gingrich, 73 ans ; Chris Christie, 54 ans, gouverneur du New Jersey ; Bob Corker, 64 ans, président de la commission des Affaires étrangères du Sénat, ou encore le général Mike Flynn, 58 ans, ancien patron du renseignement militaire américain. Des hommes, souvent âgés et tous blancs.

Coudées franches au Congrès

Pour la première fois depuis 2006, les républicains ont fait carton plein : ils contrôleront à partir de janvier la Maison-Blanche, la Chambre des représentants et le Sénat, et auront les coudées franches sur l'économie, la santé et l'immigration.

Mais les maîtres du Congrès et le prochain président, Donald Trump, ne sont pas d'accord sur tout, notamment sur les modalités de concrétisation de la promesse emblématique du candidat : le mur entre les États-Unis et le Mexique.

Points d'entente

Priorité numéro une : abroger « Obamacare », la réforme adoptée en 2010 par le Congrès, alors démocrate, qui a permis à 22 millions d'Américains de gagner une couverture maladie, mais est considérée comme un mastodonte bureaucratique par la droite.

« Nous allons faire un vrai boulot sur la santé », a dit Donald Trump lors d'un rendez-vous au Capitole, siège du Congrès, mercredi.

Mais après avoir abrogé la loi, par quoi la remplacer ? Que faire des personnes actuellement couvertes via « Obamacare » ? Donald Trump a autrefois jugé inacceptable que certains Américains ne soient pas assurés.

Renforcer les contrôles d'immigration - et « sécuriser la frontière » - est un autre passage obligé. Le candidat Trump a détaillé ses propositions le 30 août, et les républicains ont un arsenal législatif prêt à l'emploi.

Tous bottent en touche sur la question de la régularisation des millions de sans-papiers, mais Donald Trump a promis d'expulser immédiatement des millions de clandestins « criminels » et d'annuler les décrets Obama ayant accordé des papiers temporaires à des centaines de milliers de jeunes sans-papiers.

Une vaste déréglementation, notamment énergétique, et une baisse d'impôts font l'unanimité dans le camp conservateur. Donald Trump veut qu'elle soit la plus importante depuis Ronald Reagan, notamment en ce qui concerne l'impôt fédéral sur les sociétés.

C'est le pré carré de Paul Ryan, le président de la Chambre, donc les pouvoirs législatif et exécutif devraient s'entendre.

Enfin, le président Trump a déjà promis aux conservateurs de nommer un juge issu de leurs rangs à la Cour suprême, pour le siège vacant depuis février.

Avec les démocrates

Donald Trump souhaite aussi réparer les ponts, autoroutes et aéroports vieillissants des États-Unis, des infrastructures dignes à ses yeux « du tiers monde ».

Les républicains ne sont pas à l'aise avec l'idée d'un grand plan d'investissements public, mais les démocrates approuvent. Chuck Schumer, leur chef à partir de janvier, a dit en octobre vouloir un texte combiné sur les infrastructures et une réforme fiscale qui permettrait de rapatrier à un taux avantageux les bénéfices « stockés » à l'étranger.

« Si Trump a sincèrement envie d'aider les travailleurs, alors reconstruisons les infrastructures », a dit jeudi sur CNN Bernie Sanders, revenu au Sénat après sa défaite des primaires contre Hillary Clinton. « Mais s'il devient intolérant, s'il essaie de nous diviser, nous nous opposerons à lui bec et ongles ».

Des différends

Donald Trump et les républicains ont toutefois des points de désaccord.

La promesse de construire le mur à la frontière mexicaine en est un.

Des républicains, dont Paul Ryan, doutent à haute voix de l'utilité d'un mur physique sur toute la longueur. Autre question : comment le financer ? Gardien des cordons de la bourse, le Congrès n'entend pas signer un chèque en blanc au nouveau maître de la capitale.

La politique étrangère, et notamment le rôle de l'OTAN face à la Russie, pourrait opposer le président Trump à une partie des conservateurs qui considèrent Moscou comme un ennemi.

Quant à l'engagement du candidat anti-système à limiter le nombre de mandats des élus du Congrès, ceux-ci lui ont poliment adressé une fin de non-recevoir. « On a déjà une limite, cela s'appelle les élections », a déclaré, cinglant, le sénateur Mitch McConnell.

L'homme fort du Sénat, très stratégique, a d'ailleurs adressé une mise en garde au successeur de Barack Obama : en faire trop, trop vite pourrait créer un retour de bâton de l'électorat.

« Rien ne dure pour toujours dans ce pays. Depuis 1788, nous avons des élections régulières, tous les deux ans », a-t-il dit. « En faire trop après une élection est, en général, une erreur ».