Barack Obama a mis en garde mardi, lors de son ultime discours à l'ONU, contre la montée en puissance du populisme, appelant à prendre en compte les frustrations dont il se nourrit et à ne pas succomber à « un capitalisme sans âme ».

Dans un discours à la tonalité plutôt sombre, le président américain, qui quittera la Maison-Blanche dans quatre mois à l'âge de 55 ans, a dénoncé la tentation du repli, et multiplié, sans jamais le citer, les allusions au magnat de l'immobilier Donald Trump qui espère lui succéder.

« Aujourd'hui, un pays qui serait entouré de murs ne ferait que s'emprisonner lui-même », a-t-il lancé, en référence à celui que le milliardaire a promis, formules tonitruantes à l'appui, de construire le long de l'immense frontière qui sépare les États-Unis et le Mexique.

Très attendu sur le conflit syrien, sur lequel ses atermoiements - voire son manque d'implication directe - font l'objet de vives critiques, le président américain s'est borné à réaffirmer qu'il n'existait pas de solution militaire et a appelé à poursuivre « le difficile travail de la diplomatie ».

Il n'a pas prononcé un mot sur la reprise des combats meurtriers après que le fragile cessez-le-feu laborieusement négocié avec Moscou eut volé en éclats.

Le président américain a réservé une pique à son homologue russe Vladimir Poutine, dénonçant l'attitude d'un pays « qui tente de retrouver sa gloire passée grâce à la force ». « Sur la durée, cela diminuera son rang dans le monde », a-t-il prédit.

« Un quart de siècle après la fin de la guerre froide, le monde est, à de nombreux égards, moins violent et plus prospère que jamais », a-t-il lancé devant l'Assemblée générale des Nations unies. « Et pourtant nos sociétés sont marquées par l'incertitude, le malaise et les affrontements ».

« Le paradoxe de notre monde »

« C'est le paradoxe qui définit notre monde », a-t-il poursuivi, évoquant une profonde perte de confiance dans les institutions.

À moins de 50 jours de l'élection qui désignera son successeur à la Maison-Blanche, M. Obama a évoqué la montée en puissance à travers le monde d'un « populisme grossier », venu parfois de l'extrême gauche, mais « le plus souvent » de l'extrême droite.

Pour le président américain, cette tendance n'offre pas de solutions satisfaisantes, mais ne doit pas être sous-estimée : trop de frustrations et d'injustices, en particulier économiques, ont trop longtemps été ignorées, a-t-il martelé.

« Un monde dans lequel 1 % de l'humanité concentre autant de richesses que les 99 % restants ne sera jamais stable ».

Vantant, comme il l'a fait régulièrement à cette tribune au cours des huit années écoulées, les vertus de la diplomatie, exemples de Cuba et de la Birmanie à l'appui, il a reconnu que les résultats pouvaient parfois sembler maigres face aux « conflits brutaux » qui jettent des milliers de réfugiés sur les routes.

C'est sur ce thème qu'il s'est montré le plus pugnace, jugeant que de nombreux pays riches ne faisaient pas assez face à l'ampleur du défi.

« Nous devons aller de l'avant, même quand c'est difficile d'un point de vue politique », a-t-il lancé, évoquant ces hommes et ces femmes jetés sur les routes et contraints d'abandonner tout ce qu'ils connaissent et tout ce qu'ils aiment.

« Nous devons nous imaginer ce que cela serait si cela arrivait à nos familles, à nos enfants », a-t-il insisté.

Il y a 65 millions de personnes déplacées dans le monde, dont 21 millions de réfugiés, fuyant persécutions, pauvreté ou conflits.

En deux ans, 7000 hommes, femmes et enfants ont péri en Méditerranée en tentant de gagner l'Europe.

L'urgence climatique

« Si nous n'agissons pas vigoureusement, nous aurons à payer le prix de migrations massives, de villes submergées, de personnes déplacées, de réserves alimentaires qui fondent et de conflits générés par le désespoir », a également déclaré M. Obama, lui qui a fait de la question des changements climatiques l'une des plus importantes de sa présidence.

«Il doit y avoir un sens de l'urgence dans la mise en oeuvre de l'accord et dans l'aide aux pays les plus pauvres pour qu'ils aillent au-delà des forces d'énergie destructives », a souligné le chef d'État américain.

Le testament de Ban Ki-moon

Le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon a exhorté mardi les dirigeants mondiaux à mettre fin au carnage en Syrie et à lutter contre le réchauffement climatique, à l'occasion de son dernier discours devant l'Assemblée générale en session annuelle.

Dans ce discours en forme de testament politique qui a ouvert la 71e session annuelle de l'Assemblée, il a aussi vivement déploré le blocage du processus de paix entre Israéliens et Palestiniens et demandé aux dirigeants, notamment africains, de ne pas s'accrocher coûte que coûte au pouvoir.

« Soyez au service de votre peuple, a-t-il lancé aux dignitaires réunis, ne pervertissez pas la démocratie, ne pillez pas les ressources de votre pays, n'emprisonnez et ne torturez pas vos opposants ».

M. Ban doit quitter son poste à la fin de l'année après dix ans à la tête de l'ONU.

« J'en appelle à tous ceux qui ont de l'influence pour obtenir la fin des combats et le début de négociations » pour une transition politique en Syrie, a-t-il plaidé alors qu'une trêve sur le terrain a volé en éclats.

Il a dénoncé l'attaque « sauvage et apparemment délibérée » d'un convoi humanitaire lundi dans la région d'Alep (nord) qui a forcé l'ONU à suspendre ses opérations humanitaires.

Il a qualifié les travailleurs humanitaires en Syrie de « héros » et leurs agresseurs de « lâches » qui devront « répondre de ces crimes ».

Le conflit en Syrie est celui « qui fait le plus de morts et qui sème le plus d'instabilité », a-t-il noté, en s'en prenant particulièrement au régime du président Bachar al-Assad.

Ce conflit, qui a fait 300 000 morts et jeté sur les routes des millions de réfugiés, domine les discussions en marge de l'Assemblée.

Les États-Unis et la Russie ont présidé mardi à New York une réunion internationale cruciale sur la Syrie pour tenter de sauver ce qui reste du processus diplomatique.

Estimant « qu'il n'y a pas de temps à perdre », M. Ban a demandé aux 193 pays membres de l'ONU de faire en sorte que l'accord de Paris sur le climat entre en vigueur « dès cette année ».

Pour y parvenir, a-t-il souligné, il suffit que 26 pays supplémentaires, représentant juste 15 % des émissions nocives de gaz à effet de serre, ratifient le texte.

La lutte contre le réchauffement climatique est une des priorités de M. Ban et l'accord de Paris figure parmi les quelques succès de son mandat.

Par contre, les dix dernières années « ont été dix années perdues pour la paix » entre Israël et les Palestiniens, a-t-il souligné, dénonçant la colonisation israélienne « illégale » et « les divisions interpalestiniennes ».

« La perspective d'une solution à deux États s'éloigne chaque jour davantage », a-t-il déploré. « C'est de la folie ».

Il a aussi fustigé « les dirigeants qui réécrivent les constitutions, manipulent les élections pour s'accrocher désespérément au pouvoir », une allusion implicite à certains dirigeants africains. « Les dirigeants doivent comprendre que les postes de responsabilité politique leur sont octroyés par le peuple et ne leur appartiennent pas ».

Cet ancien ministre sud-coréen des Affaires étrangères a enfin exhorté Pyongyang à stopper ses essais nucléaires et balistiques.

Il a aussi, une nouvelle fois, promis de l'aide aux Haïtiens victimes d'une épidémie de choléra déclenchée par des Casques bleus.

PHOTO Jewel SAMAD, AFP

Après dix ans passés à la tête de l'ONU, le Sud-Coréen Ban Ki-moon tirera sa révérence.