Philadelphie est devenue jeudi la première grande ville américaine à voter une taxe sur les boissons sucrées, à l'issue de plusieurs mois de bras de fer avec le lobby de cette industrie multi-milliardaire.

La taxe sera de 0,51 dollar par litre de boissons sucrée, y compris celles basses en calories, à l'exception de celles composées d'au moins 50% de lait ou de fruits frais.

La mesure a été adoptée par 13 voix à quatre par le conseil municipal. Elle concerne tous les revendeurs, commerces et restaurants, et prendra effet en janvier 2017.

La mesure avait suscité un intense débat dans cette ville de 1,5 million d'habitants, la cinquième plus grande des États-Unis, où plus de 68% des adultes et 41% des enfants sont en surpoids ou obèses. Philadelphie, où 26,7% de la population vit en-dessous du seuil de pauvreté, est aussi parmi les grandes villes américaines celle qui compte le plus fort taux de problèmes d'hypertension et de maladies cardio-vasculaires.

L'idée d'une telle taxe y avait été rejetée deux fois dans le passé.

Mais le nouveau maire démocrate Jim Kenney, qui a pris ses fonctions en janvier, avait choisi de ne pas se positionner sur le terrain de la santé. Il a préféré expliquer que les 91 millions de dollars annuels attendus de cette taxe seraient principalement utilisés pour offrir des milliers de places supplémentaires dans les écoles maternelles et financer les centres de loisirs et aires de jeux.

Une grande victoire  

«C'est une grande victoire», a-t-il écrit sur Twitter après le vote.

Le débat avant ce scrutin avait été très animé, plusieurs intervenants s'indignant du coût de cette taxe sur les familles les plus modestes.

Un employé de Coca-Cola, Chris Hunter, a prédit «le pire marché noir de boissons non alcoolisées depuis la prohibition» dans les années 1920 et 30.

Les opposants à cette nouvelle réglementation ont aussi insisté sur son impact «catastrophique» pour les petits commerces, estimant que certains seraient condamnés à fermer si leurs clients décidaient d'aller s'approvisionner en dehors de la ville.

Un cardiologue, Ken Margulies, a à l'inverse salué le courage d'élus «à l'avant-garde», affirmant que la mesure aiderait à faire diminuer diabète, maladies cardiaques et obésité.

Face au lobby des boissons sucrées, une seule ville avait auparavant imposé une taxe sur ces boissons aux États-Unis, Berkeley (Californie, 120 000 habitants), à hauteur de 38 cents/litre en novembre 2014.

Une quarantaine de propositions similaires dans d'autres villes ont été rejetées ces dernières années, et le vote de Philadelphie était particulièrement suivi, notamment à San Francisco, Boulder (Colorado) ou Oakland (Californie) qui espèrent passer une mesure similaire cette année.

En 2013, le maire de New York de l'époque, Michael Bloomberg, avait en vain tenté d'imposer une limitation de la taille des boissons sucrées individuelles. La justice lui avait donné tort.

Le lobby des boissons sucrées avait dépensé plusieurs millions de dollars à Philadelphie. Après le vote, l'American Beverage Association, dont font partie Coca-Cola et Pepsi-Cola, a dénoncé une «taxe régressive qui singularise de manière injuste les boissons» et promis de «saisir la justice pour l'arrêter».

Depuis 20 ans, la consommation de boissons sucrées a baissé de 25% aux États-Unis, alors qu'augmentait la consommation d'eau.

À Philadelphie, la ville a interdit les boissons sucrées dans les écoles et mené une vaste campagne de sensibilisation. Le pourcentage d'adultes obèses a continué à augmenter, mais celui des enfants a commencé à décliner ces dernières années.