Il a vu arriver le tireur dans la boîte de nuit mais ne l'a pas trouvé menaçant. Aussi a-t-il continué à préparer le cocktail que lui avait commandé une cliente. Puis, les coups de feu ont commencé à retentir. Et le barman du Pulse a eu l'impression que chaque balle atteignait une cible humaine, dont sa cliente, qui s'est affaissée devant lui, mortellement touchée.

Les trois balles suivantes lui ont été réservées, l'une l'atteignant à un coude et les deux autres s'enfonçant dans son large dos d'adepte de la musculation.

«Robby croit avoir été la 30e personne atteinte par balles», a raconté Chris Enzo, qui a recueilli le témoignage de son ami barman à la veille d'une intervention chirurgicale qu'il devait subir lundi.

«L'impact des balles a été si fort que Robby a été projeté au sol. C'est alors qu'il a dû décider s'il allait mourir ou non. Dans ce court laps de temps, il a trouvé la force de dire, "je ne vais pas mourir, je vais courir". Et parce qu'il s'est enfui du club avant le début de la prise d'otages, il est aujourd'hui vivant.»

Chris Enzo, un musicien de 25 ans, tient à raconter l'histoire de Robby Sumter afin que «les terroristes n'aient pas le dernier mot». C'est l'histoire d'un père de famille hétéro qui aura survécu à la pire tuerie de l'histoire des États-Unis. Une histoire qu'Enzo et ses amis tenteront de perpétuer par le biais de la musique.

«Nous voulons qu'Orlando comprenne l'importance de ne pas céder à la peur de ces attaques terroristes, a déclaré Enzo, qui joue souvent le rôle de DJ au Pulse. Nous ne voulons pas vivre dans la peur. Nous ne voulons pas que les terroristes aient le dernier mot. Nous voulons avoir le dernier mot.»

Division politique

Deux jours après l'attentat contre le Pulse, les citoyens d'Orlando tentaient de se remettre du choc. Certains ressentaient le besoin de témoigner de la bravoure d'un survivant ou de la bonté d'un disparu. Mais d'autres ne pouvaient s'empêcher d'illustrer par leurs propos les divisions politiques qui n'ont pas tardé à surgir à Washington et dans le reste des États-Unis à la suite de la tragédie.

«Quand les Américains sauront toute la vérité, Donald Trump sera considéré comme un sauveur», a déclaré Pete Clarke en s'arrêtant un moment le long du cordon de sécurité établi par la police autour du Pulse.

La vérité, selon l'homme d'affaires, c'est que le gouvernement américain est impuissant face à la radicalisation d'individus comme Omar Mateen, le tueur d'Orlando, ou Syed Farook, celui de San Bernardino, en Californie. Et cette impuissance n'est pas fortuite.

«Le FBI suit l'exemple de Barack Obama, a estimé Clarke. L'agence sait un tas de choses sur des types comme Mateen et Farook, mais elle refuse d'agir de peur d'empiéter sur leurs droits constitutionnels. Mais la Constitution américaine n'est pas un pacte suicidaire. Il faut en finir avec cette attitude laxiste à l'égard de la menace islamiste. Heureusement, Trump a compris ça.»

Jacquie, une émigrante haïtienne qui préfère taire son nom de famille, évoque les informations obtenues par le FBI sur Mateen dans un tout autre contexte, celui des armes à feu.

«Il y a trop d'armes à feu en Floride et aux États-Unis qui tombent dans les mains d'individus qui ne devraient pas y avoir accès, dit-elle. Un système adéquat de vérification d'antécédents aurait permis de savoir que Mateen avait des affinités avec des groupes radicaux.»

L'atmosphère était plus contemplative devant le Dr. Phillips Center for Performance Arts, un édifice du centre-ville où les citoyens d'Orlando ont commencé à déposer des gerbes de fleurs et des messages pour honorer les victimes du Pulse. Derek Miller, un Afro-Américain longiligne âgé dans la soixantaine, était parmi eux. Pendant une année et demie, il a été responsable de la sécurité de la boîte de nuit.

«Je n'aurais jamais pensé qu'une telle tragédie se produirait au Pulse, a-t-il déclaré. J'ai toujours cru qu'un attentat terroriste était possible à Disney World ou au stade de football [le Citrus Bowl], mais pas au Pulse. Je n'en croyais pas mes oreilles lorsque j'ai entendu ce qui s'était passé. Pour être honnête avec vous, je n'y crois pas encore.»