Perdue dans les montagnes du Maine, à moins de 40 kilomètres de la frontière avec le Québec, une randonneuse a survécu seule pendant près d'un mois à l'été 2013, révèle un rapport sur sa mort qui vient d'être rendu public.

« Lorsque vous retrouverez mon corps, s'il vous plaît, appelez mon mari George et ma fille Kerry. Ils seront très reconnaissants qu'on leur dise que je suis morte et à quel endroit vous m'avez trouvée. »

Ces mots ont été écrits par Geraldine Largay le 6 août 2013 sur une page de son journal de bord. Mme Largay, 66 ans, était alors perdue en forêt depuis deux semaines dans un secteur particulièrement inaccessible des Appalaches, à moins de 40 kilomètres de la frontière avec le Québec.

La note faisait partie d'un rapport rendu public cette semaine par le Maine Game Warden Service, qui a enquêté sur la mort de la randonneuse aguerrie, dont la dépouille a été retrouvée le 14 octobre dernier par des arpenteurs forestiers. Son corps a été découvert dans un secteur difficile d'accès, à un peu plus de trois kilomètres du sentier des Appalaches, célèbre sentier de randonnée pédestre faisant plus de 3500 kilomètres de long.

Les recherches lancées pour retrouver la randonneuse à l'époque n'avaient rien donné.

DÉPART EN AVRIL 2013

« C'est un secteur boisé extrêmement accidenté, explique en entrevue téléphonique Deborah Palman, entraîneuse de chiens policiers à Aurora, dans le Maine, qui avait pris part aux recherches pour retrouver Mme Largay à l'été 2013. Il n'y a aucune route pour véhicules dans cette région. »

Geraldine Largay avait commencé sa randonnée sur le sentier des Appalaches en Virginie-Occidentale en avril 2013. Au départ, elle voyageait avec une amie, qui a dû quitter le sentier pour une urgence familiale. Le rapport note que Mme Largay s'est perdue le 22 juillet après avoir quitté le sentier pour aller aux toilettes.

Son mari, qui suivait sa progression et la ravitaillait en nourriture, devait rencontrer Geraldine Largay le 24 juillet le long d'une route près de la station de ski Sugarloaf. Voyant qu'elle n'arrivait pas, il a dormi dans sa voiture, avant d'alerter la police le lendemain matin.

Hier, John MacDonald, caporal du Maine Game Warden Service, a déclaré à La Presse qu'il ne donnerait pas d'entrevue « par respect pour la famille, qui a aussi demandé de ne pas être contactée durant cette période de deuil ».

DIFFICILE D'ACCÈS

Deborah Palman explique que le tronçon du sentier où Mme Largay a disparu faisait 40 kilomètres de long.

« Si vous essayez de couvrir une distance d'un ou deux kilomètres de part et d'autre du sentier, vous vous rendez compte que personne n'a les ressources pour mener une telle opération. Il y a des falaises, des corniches, des forêts impénétrables. Des endroits où il est tout simplement impossible d'aller. »

Le rapport sur la mort de Mme Largay note qu'elle a survécu grâce à des barres énergétiques et d'autres denrées pendant au moins 26 jours. Durant cette période, elle a aussi essayé d'envoyer plusieurs textos, sans succès. Elle a perdu la vie en raison du « manque de nourriture et après avoir été exposée aux éléments ».

Le rapport note que Mme Largay avait établi un campement et avait même construit une plateforme avec des billots de pin afin d'y monter sa tente. L'endroit était très ordonné et se trouvait près d'un petit ruisseau.

CARNET D'ADIEU

Trois messages écrits par Gerardine Largay et rendus publics mercredi par le Maine Game Warden Service. Les textos écrits par Mme Largay n'ont pu être retransmis, car le signal cellulaire était trop faible.

Texo envoyé à son mari à 11h01, le 22 juillet 2013

«J'ai des problèmes. Sortie du sentier pour aller à la toilette. Perdue. Peux-tu appeler l'AMC pour voir si quelqu'un pourrait m'aider? Quelque part au nord de Woods road. XOX.»

Texto envoyé à son mari à 16 h 18, le 23 juillet 2013

«Perdue depuis hier. À 3 ou 4 miles du sentier. Appelle la police pour savoir quoi faire svp. XOX.»

Note manuscrite datée du 6 août 2013, écrite sur une page arrachée de son journal de bord.

«Lorsque vous retrouverez mon corps, s'il vous plaît, appelez mon mari George et ma fille Kerry. Ce sera de la plus grande bonté pour eux que de [leur faire] savoir que je suis morte et que je suis où vous m'avez trouvée - peu importe le nombre d'années qui se seront écoulées entre-temps. S'il vous plaît, ayez la bonté d'envoyer par la poste le contenu de ce sac à l'un d'eux.»

Le Maine Game Warden Service a précisé que Mme Largay avait tenté d'envoyer d'autres textos, le dernier étant daté du 6 août 2013. La dernière entrée dans son journal de bord a été faite le 18 août 2013, soit 26 jours après sa disparition.