La question des brutalités policières aux États-Unis a refait surface jeudi avec l'ouverture d'un procès emblématique à Baltimore, plus d'un an après la blessure fatale subie par un Noir de 25 ans tout juste interpellé.

Edward Nero, l'un des six policiers jugés séparément dans cette cité portuaire de la côte atlantique, est accusé d'avoir concouru à un «homicide», mais lui parle d'accident.

Ce qui est sûr, c'est que Freddie Gray s'est retrouvé le 12 avril 2015 avec une fracture des vertèbres cervicales lors de son transport, les membres entravés, dans un fourgon de police.

Comparaissant libre, M. Nero a pris place dans la salle d'audience vêtu d'un costume cravate, entouré de ses avocats. Ni lui ni ses défenseurs ne sont autorisés à parler à la presse.

2e procès, 5 à suivre

Le policier est accusé de violences volontaires, mise en danger de la vie d'autrui et fautes professionnelles.

Un premier agent parmi les six a déjà été jugé pour ces faits en décembre mais, après plus de deux semaines d'audience, son procès s'était conclu sur une annulation surprise, les jurés ayant échoué à s'accorder sur un verdict. Il sera rejugé.

Résultat, plus d'un an après la mort de Freddie Gray, personne n'a encore été condamné et le flou demeure sur ce qui s'est vraiment passé dans le fameux fourgon.

Les policiers poursuivis --trois Blancs et trois Noirs dont une femme-- plaident la thèse de la blessure accidentelle fatale.

Pour la famille de Freddie Gray et une bonne partie des habitants noirs de Baltimore ou d'autres régions du pays, ce dossier est au contraire un cas d'école des brutalités policières contre leur communauté.

La procureure de l'État du Maryland a elle employé le mot «homicide».

Jeudi, les débats sont rapidement entrés dans le vif du sujet, examinant la question clé de savoir pourquoi aucun agent n'avait bouclé la ceinture de sécurité de Freddie Gray, comme l'imposait pourtant le règlement.

Sans ceinture, la thèse accidentelle se défend mieux. Mais l'absence de ceinture renforce aussi les accusations de transports policiers volontairement brutaux à Baltimore, l'interpellé menotté étant ballotté entre les parois du véhicule.

«Les procédures de la police n'autorisent pas le comportement de ces policiers», a souligné Michael Schatzow, le représentant du procureur, en précisant que Freddie Gray avait été fouillé et arrêté sans fondement.

Marc Zayon, l'avocat du policier, a répondu en dépeignant son client comme un policier altruiste et consciencieux.

Freddie Gray n'a pas été ceinturé, car il «résistait activement à son interpellation, frappant et donnant des coups de pied dans le fourgon», a-t-il assuré.

La décision relevait de toute façon du conducteur du fourgon, un autre agent que Nero, a-t-il ajouté.

Obama «troublé»

La mort de Freddie Gray avait déclenché des émeutes, des pillages et de graves actes de vandalisme à Baltimore.

Les autorités avaient déclaré l'état d'urgence, instauré un couvre-feu nocturne et appelé en renfort les militaires de la Garde nationale.

Le président Barack Obama avait condamné les violences, tout en relevant les «questions troublantes» restant en suspens.

À plusieurs égards, l'affaire Freddie Gray a pris une forte charge symbolique qui déborde largement du cadre du simple fait divers.

Elle illustre le fossé entre les communautés, ou les abus d'une police américaine souvent accusée d'être coupée d'une partie de la population noire, considérée seulement sous l'angle répressif. La réponse de la justice aura une résonance nationale.

M. Nero a choisi d'être jugé uniquement par le magistrat Barry Williams, qui préside son procès, et non par un jury.

Le juge Williams est noir, tout comme les deux tiers des habitants de Baltimore. L'audience est prévue pour durer plusieurs jours.