L'Iran va devoir s'acquitter de près de deux milliards de dollars auprès d'un millier de victimes américaines d'attentats soutenus par Téhéran, selon une décision mercredi de la Cour suprême qui arrive à point nommé pour Barack Obama, accusé par Riyad de trop se rapprocher de son rival chiite.

Des rescapés d'attaques et représentants d'Américains tués demandaient le versement de ces fonds actuellement gelés à New York et correspondant à des obligations dans lesquelles avait investi la banque centrale d'Iran Markazi.

Parmi eux figurent les proches de 241 soldats américains tués le 23 octobre 1983 dans deux attentats suicides qui avaient frappé les contingents américain et français de la Force multinationale de sécurité à Beyrouth.

Sont concernées aussi les victimes d'un attentat en 1996 contre les tours de Khobar en Arabie Saoudite, qui avait tué 19 Américains.

Le porte-parole du département d'État américain a affirmé mercredi que les États-Unis «continuent à compatir avec les familles des victimes de ces attaques terroristes (...) soutenues par l'Iran».

«Comme par le passé, nous continuons à condamner le soutien passé et actuel de l'Iran au terrorisme international», a ajouté John Kirby. «Nous avons soutenu sans cesse des indemnisations pour les familles dans cette affaire».

Theodore Olson, ancien avocat général représentant les proches des victimes, s'est dit «extrêmement satisfait». «La décision de la Cour suprême va apporter un soulagement attendu depuis longtemps par plus de 1000 victimes du terrorisme iranien et leurs familles, dont beaucoup ont mis des décennies à s'en remettre».

Riyad et le 11-Septembre 

Il s'agit aussi d'une victoire pour l'administration Obama et pour le Congrès. Car la décision de la Cour suprême, adoptée à six voix contre deux, conforte un décret pris début 2012 par M. Obama bloquant le transfert vers l'Iran de ces fonds ainsi que le vote quelques mois plus tard par le Congrès d'une loi pour permettre leur saisie.

La décision de la plus haute juridiction américaine «rend justice et reconnaît que les survivants ont droit à cette indemnisation», a déclaré le sénateur Robert Menendez, co-auteur de cette loi.

Les plaignants avaient obtenu en justice des milliards de dollars en dommages et intérêts, jamais versés ensuite, et s'étaient donc tournés vers les tribunaux de New York, leur demandant d'agir pour saisir des intérêts iraniens.

Des fonds identifiés comme tels, impliquant divers intermédiaires financiers parmi lesquels la société luxembourgeoise Clearstream, ont été gelés en 2008.

Après l'action prise par l'exécutif américain puis par le Congrès, la banque centrale d'Iran avait saisi la Cour suprême en affirmant que le Congrès avait outrepassé son rôle et violé la séparation des pouvoirs en adoptant une loi visant spécifiquement à intervenir dans un dossier pénal.

Ces arguments ont été rejetés par la Cour suprême.

La loi de 2012 «ne transgresse pas les contraintes que la Constitution met sur le Congrès et le président», a écrit la juge Ruth Bader Ginsburg dans l'avis majoritaire. «Nous estimons qu'il n'y a pas (...) de violation du principe de séparation des pouvoirs ni aucune menace sur l'indépendance du pouvoir judiciaire».

Le président (conservateur) de la Cour suprême John Roberts et la juge (progressiste) Sonia Sotomayor ont émis un avis contraire. «La loi viole la séparation des pouvoirs», a estimé M. Roberts.

Cette décision intervient dans un contexte sensible de rapprochement entre les diplomaties iranienne et américaine, neuf mois après la signature à Vienne d'un accord historique sur le nucléaire iranien.

Mais elle arrive à point nommé pour Barack Obama, qui a rencontré mercredi à Riyad le roi Salmane d'Arabie saoudite, très remonté sur ce rapprochement avec son grand rival chiite.

L'Arabie saoudite, comme les autres monarchies du Golfe, redoute aussi que Téhéran apporte un soutien aux dissidents dans le but de fragiliser leurs régimes.

Reste à savoir si l'Arabie saoudite ou certains de ses responsables ne pourraient pas eux aussi devoir indemniser des victimes des attentats du 11 septembre 2001 aux États-Unis (15 des 19 pirates de l'air étaient Saoudiens).

Des élus républicains comme démocrates ont rédigé un projet de loi qui permettrait de traduire ces derniers devant des tribunaux américains et qui déplait considérablement à Riyad.

Lundi, M. Obama a expliqué combien il était «opposé» à ce texte.