Le président turc Recep Tayyip Erdogan a finalement été reçu jeudi par son homologue américain Barack Obama à Washington, lors d'une visite chargée de tensions sur la Syrie et la question kurde et qui a donné lieu à des scènes musclées entre sa sécurité et la presse.

La Maison-Blanche a annoncé que le président Obama avait rencontré M. Erdogan jeudi soir en marge du sommet sur la sécurité nucléaire, un entretien qui n'avait pas été programmé, ce qui avait été considéré comme une rebuffade envers le président turc à un moment où Washington et Ankara se heurtent sur la crise syrienne et les droits de l'homme, notamment la liberté de la presse.

Selon un communiqué de la Maison-Blanche, MM. Obama et Erdogan ont discuté de « la coopération entre les États-Unis et la Turquie dans les domaines de la sécurité régionale, du contre-terrorisme et des migrations ».

Mais l'intervention de M. Erdogan devant le cercle de réflexion Brookings à Washington a été précédée par des heurts entre les services de sécurité turcs et des journalistes et des manifestants - certains brandissant des bannières de combattants kurdes syriens -, qui ont échangé coups et insultes avant que la police n'intervienne.

Un homme de la sécurité turque a lancé un coup de pied à hauteur de la poitrine d'un journaliste américain qui tentait de filmer des heurts. Un autre a traité une chercheuse en sciences politiques de « Putain du PKK », le Parti des travailleurs du Kurdistan honni, et interdit, par Ankara.

D'autres ont tenté d'empêcher deux journalistes turcs d'accéder au bâtiment de la Brookings, dont un journaliste du journal d'opposition Zaman, mis sous tutelle par le gouvernement. Mais des membres de la Brookings les en ont empêchés lors d'une confrontation très tendue.

À l'extérieur du bâtiment, des militants pro-Kurdes scandaient « Erdogan fasciste! » ou « Erdogan, tueur d'enfant ».

S'unir pour combattre le terrorisme

Le Club national de la presse américain, une grande organisation de journalistes, a vivement protesté.

« Le président turc et son équipe de sécurité sont des invités des États-Unis », a déclaré dans un communiqué Thomas Burr, son président. « Ils n'ont pas le droit de porter la main sur des reporters ou des manifestants », a-t-il dit.

« Erdogan n'a pas à exporter » les violations des droits de l'homme et de la presse qui se développent en Turquie, a-t-il ajouté.

Imperturbable après ces heurts, le président turc a défendu dans un discours très ferme l'action de son gouvernement contre des médias turcs, malgré les critiques internationales, et sa lutte contre le séparatisme kurde, après un nouvel attentat.

Évoquant les cas de 52 « soi-disant journalistes incarcérés », il a affirmé que ces personnes « avaient déjà été condamnées pour des actes terroristes et (pour) avoir été impliquées dans des organisations terroristes ».

« Dans les prisons turques, il n'y a pas de journalistes qui ont été condamnés en raison de leur profession » ou en violation de leur liberté d'expression, a-t-il assuré.

M. Erdogan a appelé la communauté internationale à soutenir l'action de son gouvernement contre les séparatistes kurdes, après un attentat à la voiture piégée qui a tué sept policiers turcs jeudi à Diyarbakir, la plus grande ville du sud-est à majorité kurde - une attaque attribuée aux séparatistes kurdes.

« Nous ne pouvons plus tolérer ça », a lancé M. Erdogan. « Les pays européens et les autres pays, j'espère, peuvent voir le véritable visage derrière ces attentats », a-t-il déclaré.

M. Erdogan a estimé que le monde entier devait s'unir pour combattre le terrorisme, affirmant que les Kurdes étaient aussi dangereux que les combattants du groupe État islamique.

La coalition internationale contre l'EI menée par les États-Unis en Syrie assiste les Unités de protection du peuple (YPG) - bras armé du principal parti kurde en Syrie, le Parti de l'union démocratique (PYD) - dans la lutte contre le groupe djihadiste.

Mais la Turquie considère que les YPG sont des alliés du PKK. L'Occident ne doit pas considérer qu'il y a de « bons terroristes » sous prétexte qu'ils combattent les djihadistes de l'EI, a déclaré M. Erdogan.

Auparavant, le vice-président américain Joe Biden a lui aussi rencontré M. Erdogan. Les deux responsables ont réaffirmé « l'alliance étroite » entre les États-Unis et la Turquie et leur « intention commune » de vaincre le groupe État islamique, selon un communiqué de la vice-présidence américaine.

PHOTO JOSHUA ROBERTS, REUTERS

Un manifestant a maille à partir avec un membre de la sécurité de la délégation turque devant les locaux de l'Institut Brookings, à Washington, le 31 mars.