Alors qu'ils parcourent le New Hampshire pour séduire les électeurs, Bernie Sanders et Ted Cruz se vantent d'être les champions du sociofinancement dans leurs partis respectifs. Une particularité propre aux élections de 2016, explique David Pricco, spécialiste en entrepreneuriat de haute technologie et analyste à CrowdExpert.com, site qui s'intéresse au monde du sociofinancement.

Question: Bernie Sanders et Ted Cruz ne peuvent s'approcher d'un micro ces jours-ci sans déclarer que des centaines de milliers, voire des millions d'Américains les appuient en ligne avec de petits dons de quelques dizaines de dollars. Comment cette révolution du sociofinancement s'est-elle produite ?

Réponse: C'est bien sûr la première campagne présidentielle de Barack Obama qui a lancé le bal. Obama a montré que la meilleure façon d'entrer en contact avec les électeurs, surtout les plus jeunes, était d'aller les trouver là où ils sont, dans leur zone de confort : les médias sociaux et le Net. Obama maîtrisait cette stratégie et donnait presque le sentiment d'être un ami qui essayait de devenir président, une personne que vous aimiez bien et que vous vouliez encourager personnellement.

Les stratèges de sa campagne utilisaient des images frappantes, des mises à jour fréquentes et des commentaires parfois humoristiques, parfois sérieux. Cela donnait un sentiment d'authenticité bien plus grand que lorsqu'on voit le visage du candidat imprimé sur des prospectus qui font déborder votre boîte aux lettres. Obama a récolté plus de 600 millions US en 2008, en bonne partie grâce à de petits dons.

Q: Autrement dit, le sociofinancement va de pair avec les médias sociaux ?

R: Exactement. Et comme avec les médias sociaux, pour que ça fonctionne, il ne faut pas être passif et espérer que les gens cliquent et que l'argent apparaisse comme par magie. Le sociofinancement, c'est un peu comme passer la corbeille à l'église, ou le chapeau dans un café après un spectacle : avant de voir l'argent entrer, c'est à vous de faire tout le travail pour avoir une foule nombreuse et engagée.

La valeur du phénomène va bien au-delà des sommes recueillies. Les gens qui donnent de l'argent à un candidat tendent à s'impliquer davantage, car ils veulent avoir un bon retour sur leur investissement. Ils seront plus motivés à faire du bénévolat, par exemple, ou tout simplement plus enclins à aller voter le jour des élections.

Q: Au New Hampshire, Sanders et Cruz aiment dire que les sommes que les gens leur donnent sont modestes...

R: C'est une façon de créer un lien avec monsieur et madame Tout-le-Monde. C'est intéressant de voir que les petits dons sont perçus comme plus authentiques que les dons de grosses sommes d'argent. Les gens semblent croire que si vous donnez un million de dollars à un candidat, vous essayez d'acheter de l'influence, mais si vous donnez 10 $, c'est parce que vous soutenez vraiment ses idées. Résultat, aujourd'hui, il y a pratiquement une course entre les candidats pour déterminer lequel aura reçu les sommes les plus modestes.

LES CHAMPIONS DES PETITS DONS

TED CRUZ

NOMBRE DE PETITS DONATEURS : 800 000

DON MOYEN : 67 $US

Ted Cruz aime parler des petits donateurs qui l'appuient, mais occulte le fait qu'il a reçu des dizaines de millions de dollars en dons de milliardaires et de comités d'action politique non transparents.



PHOTO RAINIER EHRHARDT, ASSOCIATED PRESS

Ted Cruz

BERNIE SANDERS

NOMBRE DE PETITS DONATEURS : 3,5 millions

DON MOYEN : 29 $US

Contrairement à Hillary Clinton et à Ted Cruz, Bernie Sanders ne reçoit pas de dons de Super PAC, ces groupes d'intérêts privés pouvant faire des dons illimités à la campagne d'un politicien.



PHOTO EVAN VUCCI, ASSOCIATED PRESS

Bernie Sanders

BARACK OBAMA (EN 2008)

NOMBRE DE PETITS DONATEURS : 3 millions

DON MOYEN : 86 $US

En 2008, Obama a récolté plus de 600 millions US, en bonne partie grâce à de petits donateurs. En 2012, il a récolté 214 millions de cette façon, soit trois fois plus que son rival Mitt Romney.

PHOTO JIM BOURG, ARCHIVES REUTERS

Barack Obama, en 2008