Petit État rural à l'importance démesurée dans le calendrier électoral américain, l'Iowa peut être, pour les candidats à la Maison-Blanche, une terre de cruelles désillusions. Ou d'instants de gloire chargés de promesses.

Pour Jimmy Carter comme Barack Obama, elle restera celle d'une victoire surprise qui allait résonner pendant des mois et les mener jusqu'à la présidence des États-Unis.

Remporter les «caucus» de l'Iowa ne garantit en aucun cas de décrocher l'investiture lors des conventions estivales des deux grands partis. Mais l'«effet tremplin» est réel.

Car l'exercice singulier des primaires américaines est affaire de dynamique beaucoup plus que d'arithmétique. Qui a le vent en poupe? Qui sait trouver le ton juste?

Retour sur l'été 2007. Hillary Clinton semble promise à porter les couleurs démocrates. Difficile d'imaginer qui pourrait battre la sénatrice de New York, bardée de sondages flatteurs et propulsée par une impressionnante machine politique.

L'ex-Première dame table sur une victoire dans l'Iowa qui lui ouvrirait un boulevard dans les autres États, où elle domine plus largement face à ses deux principaux rivaux, le jeune sénateur de l'Illinois Barack Obama et l'ex-sénateur John Edwards.

Mais ses rêves présidentiels vont s'écraser dans ce petit État agricole où se donnent rendez-vous, durant quelques semaines tous les quatre ans, la quasi-totalité des journalistes politiques que compte l'Amérique.

Hillary Clinton termine en troisième position, loin derrière Obama qui l'emporte avec plus de 37 % des voix. Elle ne se remettra jamais vraiment de cette claque.

Huit ans plus tard, de nouveau en campagne, face cette fois-ci à Bernie Sanders, septuagénaire qui promet «une révolution politique», elle fait tout pour que l'histoire ne bégaye pas à l'approche de la présidentielle de novembre.

Pour Obama, les caucus de l'Iowa furent l'épisode «le plus gratifiant» de la campagne.

Dans un récent entretien à Politico, il a relaté l'état d'esprit qui régnait: ses équipes, jeunes, enthousiastes, qui sillonnent l'État, de village en village, pour nouer des contacts, dans les centres associatifs, les écoles, les bibliothèques, les restaurants.

«Cela a été le socle fondateur pour nos victoires ailleurs, et une référence rassurante quand les choses ne se passaient pas très bien», a-t-il raconté.

«Mon nom est Jimmy Carter»

Mais si la machine de campagne d'Obama au milieu des monotones plaines du Midwest fut impressionnante, le premier à avoir compris le rôle singulier que pouvait jouer cet État dans la route vers Washington fut un autre outsider, démocrate lui aussi.

Trente ans plus tôt, Jimmy Carter, homme politique inconnu de Géorgie, plaçait le «Hawkeye State» (en l'honneur du chef indien Black Hawk) au coeur même de sa stratégie.

Convaincu qu'une victoire dans cet État aurait une énorme influence sur la couverture médiatique du reste de sa campagne, il décida d'employer les grands moyens.

«Jimmy Carter était un inconnu, c'était "Jimmy Who?,"», rappelle Steffen Schmidt, professeur de sciences politiques à l'Université de l'Iowa. «L'Iowa lui a permis de se présenter, de se faire un nom».

L'universitaire a gardé en tête une image: «On préparait un barbecue chez un ami en buvant une bière et on a vu arriver un groupe à vélo. Un homme est descendu et il a lancé: "Bonjour, mon nom est Jimmy Carter. Je suis candidat à la Maison-Blanche"».

Impressionnée par le véritable marathon de ce baptiste fervent au parcours atypique, la presse se penche sur sa campagne. Le bruit enfle. L'élu du Sud accapare la lumière. Il l'emporte dans l'Iowa, puis dans le New Hampshire. Il décrochera l'investiture démocrate puis la Maison-Blanche, où il fera un seul mandat.

«Jimmy Carter a révolutionné le rôle que joue l'Iowa dans la politique présidentielle», estime Julian Zelizer, professeur de sciences politiques à l'Université de Princeton.

Et de souligner, dans un article publié dans The Atlantic, l'impact majeur qu'a eu cette campagne de terrain, avec son lot de mise en scène pour mieux capter l'attention médiatique, dans l'évolution de la politique américaine. Pour le meilleur et pour le pire.

«Aujourd'hui, tout candidat vit dans le monde que Carter a contribué à créer en ce mois de janvier 1976, dans l'Iowa», résume-t-il.

PHOTO JOHN DURIKA, ARCHIVES AP

Le président Jimmy Carter, à Washington, le 5 février 1977.