Le 1er février, après des mois de campagne, des dizaines de sondages, et des millions de dollars de dépenses, les candidats à la Maison-Blanche recevront leur premier jugement des électeurs, un privilège qui revient aux habitants du petit État rural de l'Iowa.

C'est la tradition depuis 1972: l'Iowa, État agricole et modéré du centre du pays, lance avec son caucus la saison des primaires. Les 49 autres États de l'Union et cinq territoires voteront plus tard, jusqu'en juin, afin d'allouer leurs quotas de délégués aux candidats, en vue des conventions nationales de juillet qui investiront le candidat démocrate et le candidat républicain à la présidentielle de novembre.

Dans l'Iowa ce n'est pas le nombre de délégués - négligeable, 1 % du total - qui compte, mais le symbole.

Hillary Clinton, longtemps favorite des primaires démocrates, trébuchera-t-elle à cette première épreuve?

Elle a déclaré sa candidature en avril 2015 avec l'aura d'une héritière. Mais le sénateur «socialiste démocrate» du Vermont Bernie Sanders a depuis conquis la jeunesse démocrate qui rêve de révolution à Washington et de prison pour Wall Street.

Il a rattrapé l'ex-secrétaire d'État dans les enquêtes d'opinion dans l'Iowa, où ses rassemblements ont réuni au total 40 000 personnes, selon lui. Une première place le 1er février, même de peu, consacrerait sa crédibilité et doperait ses chances pour la suite, en particulier dans le New Hampshire le 9 février.

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Hillary Clinton s'adresse à ses partisans à l'Université de l'Iowa, le 21 janvier. 

Chez les républicains, deux hommes se disputent les voix des conservateurs «en colère» contre les élites et l'«establishment». Le milliardaire Donald Trump est préféré au niveau national par les républicains, mais dans l'Iowa il est au coude-à-coude avec le sénateur ultraconservateur Ted Cruz, porte-flambeau de la droite religieuse.

L'imprévisibilité du scrutin est accentuée par la façon dont les électeurs sont consultés. Contrairement aux primaires normales, dans l'Iowa les électeurs sont convoqués à des réunions de partis à 19 h, pendant au moins une heure. Chez les républicains, le vote se fait à bulletin secret, mais chez les démocrates, chacun doit publiquement déclarer quel candidat il soutient, devant ses voisins. Ces contraintes réduisent la participation aux personnes les plus engagées politiquement.

Au total, 12 républicains et trois démocrates concourent.

Clinton ne fait pas rêver

Dans les derniers jours, les candidats envahissent le terrain: ce week-end, Hillary Clinton, Bernie Sanders, Donald Trump et Ted Cruz organisent 18 réunions publiques. Chaque camp envoie des armées frapper aux portes des électeurs que leurs bases de données ont identifiés comme des soutiens potentiels, afin qu'ils n'oublient pas de se déplacer le 1er février - à 19 h pile!

C'est ce maillage qui manquerait à Donald Trump. Le milliardaire préfère les grands rassemblements au travail de fourmi auquel s'obligent ses adversaires.

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Donald Trump, à Norwalk, le 20 janvier.

Le sénateur du Texas Ted Cruz, champion du Tea Party, a non seulement une organisation réputée, il peut compter sur l'appui logistique de leaders évangéliques locaux.

En décembre, Bob Vander Plaats, inconnu au niveau national, mais influent localement, a ainsi appelé à voter Cruz, signal libérant une armée de militants au service du candidat. Plus de la moitié des électeurs républicains sont protestants évangéliques ici.

«Dans l'Iowa, le soutien de la droite religieuse et du mouvement de l'instruction à domicile donne un grand avantage», dit à l'AFP le politologue Cary Covington, de l'Université de l'Iowa, qui ose prédire: «l'affaire est quasiment dans le sac pour Cruz dans l'Iowa».

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Bernie Sanders à Sioux City, dans l'Iowa, le 19 janvier. 

Bernie Sanders espère mobiliser les étudiants démocrates comme Barack Obama l'avait fait avec succès en 2008. Hillary Clinton avait fini troisième.

Le message de l'ex-secrétaire d'État ressemble à la version 2008: elle dit être la seule à avoir les épaules pour être «présidente et commandante en chef». Elle dénonce l'irresponsabilité ou la naïveté de certaines propositions de Bernie Sanders, qui veut rouvrir la boîte de Pandore de l'assurance-maladie, ou engager une normalisation diplomatique avec l'Iran.

«Le sénateur Sanders ne parle pas beaucoup de politique étrangère, mais quand il le fait, c'est inquiétant, car on dirait qu'il n'a pas vraiment réfléchi à tout», a-t-elle dit jeudi.

La question centrale du 1er février sera de savoir si l'organisation de terrain du camp Clinton battra l'enthousiasme des partisans de Sanders.

«Clinton est très pragmatique, elle fixe des objectifs réalistes», résume Cary Covington, mais «Sanders parle de grands changements et de révolution, et ça incite les gens à se déplacer».

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Ted Cruz - dont l'une de ses partisanes venues l'écouter tient un livre écrit par le candidat - discourt à Mason, dans l'Iowa, le 8 janvier.