Les présidents américain et iranien ont salué dimanche l'entrée en vigueur de l'accord nucléaire historique avec Téhéran, mais de nouvelles sanctions prises à Washington sur un autre dossier ont tempéré l'optimisme de ces derniers jours.

Le président iranien Hassan Rohani a évoqué l'ouverture d'une «nouvelle page» entre l'Iran et la communauté internationale après la levée de la plupart des sanctions liées au programme nucléaire iranien.

Son homologue américain a appelé les Iraniens à tisser «de nouveaux liens avec le monde», se félicitant des «progrès historiques» réalisés avec l'Iran ces derniers jours.

Ce rapprochement s'est également matérialisé ces derniers jours par un important échange de prisonniers impliquant onze personnes, dont le reporter du Washington Post Jason Rezaian, et la libération rapide de marins américains entrés par erreur dans les eaux iraniennes.

Trois des quatre prisonniers américains élargis dans le cadre de l'échange, dont M. Rezaian, ont atterri dimanche soir à Genève, selon un diplomate américain. Ils devaient repartir vers une base américaine en Allemagne.

Malgré ce rapprochement significatif, Barack Obama a insisté sur les «profondes différences» qui persistent entre Washington et Téhéran et dénoncé le «comportement déstabilisateur de l'Iran», citant des violations des droits de l'Homme ou encore le programme iranien de missiles balistiques.

À cet égard, l'annonce dimanche par le Trésor américain de nouvelles sanctions contre Téhéran liées à ce programme est venue rappeler que la défiance persiste entre deux nations ayant rompu leurs relations diplomatiques il y a 35 ans.

«Il n'est pas question de faire confiance aux États-Unis à cause de l'accord nucléaire», avait d'ailleurs assuré dimanche Hassan Rohani avant l'annonce de ces nouvelles sanctions américaines, qui visent cinq Iraniens et un réseau d'entreprises basées aux Émirats arabes unis et en Chine.

Il avait aussi prévenu: «Si les Américains prennent n'importe quelle mesure, ils recevront la réponse appropriée».

Peu après la décision du Trésor, le chef de la diplomatie américaine John Kerry a semblé calmer le jeu en annonçant le remboursement à l'Iran de 1,7 milliard de dollars de dette et d'intérêts remontant à la Révolution islamique de 1979, qui avait mis fin à un régime iranien soutenu par les États-Unis.

Rohani rassurant

Entré en vigueur samedi, l'accord nucléaire conclu le 14 juillet vise à garantir la nature strictement pacifique du programme nucléaire iranien en échange de la levée de sanctions ayant asphyxié l'économie de ce pays qui détient les quatrièmes réserves de brut au monde et les deuxièmes de gaz.

Cet accord entre l'Iran et les grandes puissances, qui a mis fin à un contentieux de plus de 13 ans, est considéré comme un succès majeur de politique étrangère pour MM. Obama et Rohani, mais suscite aussi des critiques dans leur pays respectif ainsi qu'au Moyen-Orient.

L'amorce de rapprochement entre Téhéran et Washington inquiète en effet les alliés traditionnels des États-Unis dans la région -Arabie saoudite et Israël en tête-, qui redoutent l'influence de la puissance chiite.

Le premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, dont le pays est l'ennemi juré de l'Iran, a répété qu'Israël ne «permettrait pas à l'Iran de se doter l'arme nucléaire».

Hassan Rohani s'est toutefois voulu rassurant: «l'accord n'est contre l'intérêt d'aucun pays. Les amis de l'Iran sont contents et ses adversaires ne doivent pas être inquiets. L'Iran n'est une menace pour aucun pays (...)».

«Construire le pays»

Le président iranien modéré, qui doit rencontrer dimanche le chef de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) Yukiya Amano, attendu à Téhéran dans la nuit de dimanche à lundi, a aussi voulu apaiser les critiques dans son pays en soulignant que «l'accord n'était pas la victoire d'une tendance politique», alors que les milieux ultraconservateurs y sont opposés.

«Maintenant, il est temps de construire le pays», a-t-il ajouté avant de présenter au Parlement le premier budget de l'après-sanctions.

Mais la perspective d'un retour de l'Iran sur un marché pétrolier déjà saturé par une abondance de l'offre a plombé les Bourses des monarchies pétrolières du Golfe qui ont fortement chuté dimanche, dont celle de RIyad.

Samedi, l'AIEA avait attesté que l'Iran a respecté ses engagements en réduisant le nombre des centrifugeuses permettant d'enrichir de l'uranium, en envoyant à l'étranger la quasi-totalité de son stock d'uranium faiblement enrichi et en retirant le coeur de son réacteur à eau lourde d'Arak.

Cette approbation a entraîné la levée des sanctions économiques et financières de l'Union européenne, des États-Unis et de l'ONU avec effet immédiat. Elle sera échelonnée sur 10 ans, et durant 15 ans les mesures pourront être automatiquement rétablies en cas de manquements de l'Iran, soumis à des inspections renforcées de l'AIEA.

Les embargos sur les armes conventionnelles et les missiles balistiques contre Téhéran sont maintenus jusqu'en 2020 et 2023 respectivement.

L'Iran a toujours nié vouloir se doter de l'arme atomique, mais l'AIEA a établi que ce pays avait bel et bien mené des recherches sur la bombe atomique.