Quand le parti républicain américain choisit une fille d'immigrés indiens comme porte-parole et qu'elle condamne les escalades xénophobes du moment, un homme est visé sans équivoque : Donald Trump, le milliardaire en tête des sondages pour les primaires présidentielles.

La guerre civile fait rage depuis des mois entre l'outsider Donald Trump et ses rivaux des primaires républicaines. Jeudi soir, elle reprendra lors du sixième débat de la saison, à North Charleston en Caroline du Sud, entre les sept candidats les mieux placés, dont Ted Cruz, que Donald Trump harcèle à cause de sa naissance au Canada.Mais les dirigeants du parti républicain ont rompu cette semaine avec la relative neutralité qu'ils prétendaient afficher en sélectionnant Nikki Haley, la plus jeune gouverneure du pays (43 ans, Caroline du Sud), pour prononcer l'allocution de réponse du parti au discours annuel de Barack Obama devant le Congrès, mardi. Nikki Haley est l'une des rares responsables républicaines non blanches, et son discours engage le parti.

«Certains croient qu'il suffit d'être le plus bruyant pour changer les choses», a déclaré Nikki Haley, en rejetant tout discours anti-immigrés. «Souvent, la meilleure chose à faire consiste à baisser le volume. Quand le son est plus bas, on peut écouter ce que dit l'autre. Et cela peut tout changer».

Pour dissiper toute ambiguité, elle a confirmé mercredi qu'elle parlait bien de l'homme d'affaires de 69 ans. «M. Trump a absolument contribué à produire ce que j'estime être un discours irresponsable», a-t-elle dit sur la chaîne ABC.

Il peut paraître paradoxal que le parti critique l'homme qui domine incontestablement la course depuis six mois, aujourd'hui à environ 35% des intentions de vote. Après tout, Donald Trump pourrait bien remporter l'investiture.

Il a, pour le meilleur et pour le pire, mis le débat sur l'immigration clandestine au sommet de l'ordre du jour. Son succès n'est pas fondé que sur sa personnalité, argue David Hopkins, professeur de science politique au Boston College.

«Trump parle de fond, d'idées, peut-être pas de façon experte, il ne donne pas vraiment de solutions détaillées, mais il a mis certaines questions et inquiétudes au coeur de sa candidature», dit David Hopkins à l'AFP.

Or le parti républicain, sur le fond, n'est pas si éloigné des positions de Trump, notamment le refus des réfugiés syriens ou l'expulsion des millions de clandestins présents aux États-Unis.

Effet domino au Congrès

La vraie raison de la résistance des chefs du parti s'explique par le scrutin de novembre. Ils estiment que Donald Trump n'est pas le meilleur candidat pour rassembler la droite et le centre dans les urnes face à Hillary Clinton, la favorite des démocrates.

Ils craignent aussi l'effet domino d'un candidat Trump sur les législatives, qui auront lieu le même jour que la présidentielle, sur le même bulletin de vote. Les électeurs cochent plus facilement toutes les cases républicaines si le candidat à la présidentielle, en haut de la feuille, est à leur goût.

La majorité républicaine du Sénat est fragile. Elle dépendra du score républicain dans les États politiquement modérés qui seront aussi cruciaux pour la présidentielle: New Hamsphire, Pennsylvanie, Ohio, Wisconsin, Nevada, Colorado, Floride, des États «violets» dans le jargon politique américain, entre bleu (couleur démocrate) et rouge (couleur républicaine).

«Ce serait plus aisé pour nous de conserver la majorité au prochain Congrès si nous avions un candidat qui se débrouille bien dans les États violets», a dit Mitch McConnell, chef de la majorité sénatoriale, en décembre. En clair, un républicain modéré, de préférence du centre-droit.

Grâce au Washington Post, on sait que les dirigeants du parti ont discuté secrètement en décembre du scénario hypothétique d'une convention d'investiture bloquée à Cleveland en juillet, où ils pourraient tenter d'imposer un candidat alternatif à Donald Trump.

Politiquement, les manigances de «l'establishment» contre Donald Trump renforcent son image de candidat anti-système. Il s'en est amusé mercredi.

«Ils font ce qu'ils ont à faire», a-t-il philosophé sur CNN.

Quant à Nikki Haley: «je l'aime bien, mais elle est souvent venue me demander de l'argent pour sa campagne». Et d'ajouter qu'elle n'était plus vraiment en lice pour devenir sa colistière.