Brandissant la découverte d'un passeport syrien près d'un kamikaze à Paris, les républicains du Congrès américain ont annoncé mardi leur intention de suspendre temporairement l'accueil de réfugiés syriens aux États-Unis, contrairement aux voeux de Barack Obama.

«Mieux vaut prévenir que guérir», a déclaré le président républicain de la Chambre des représentants, Paul Ryan, après trois jours d'escalade politique aux États-Unis, qui ont vu plus de la moitié des gouverneurs des États fédérés et la plupart des candidats républicains à la Maison-Blanche s'opposer à l'accueil de réfugiés syriens, reflétant un mouvement similaire dans certains pays européens comme la Pologne.

Paul Ryan a annoncé une proposition de loi rapide, peut-être dès cette semaine.

L'entourage du chef de la majorité Kevin McCarthy expliquait mardi soir que le texte imposerait une pause dans l'accueil de Syriens, mais aussi d'Irakiens, en attendant que le FBI mette en place un meilleur système de contrôle des antécédents des demandeurs d'asile. Les élus veulent obliger l'exécutif à certifier que chaque réfugié ne pose pas de menace sécuritaire.

Les républicains, majoritaires à la Chambre et au Sénat, pourraient aussi utiliser les lois de finances qui doivent être adoptées avant le 11 décembre pour restreindre le programme d'accueil des réfugiés.

Le leader du Sénat, le républicain Mitch McConnell, a appelé parallèlement à un moratoire sur l'accueil de réfugiés syriens.

Seuls 2159 réfugiés syriens ont été admis aux États-Unis entre octobre 2011 et le 14 novembre, selon le département d'État. Une goutte d'eau par rapport aux centaines de milliers de demandeurs arrivés dans l'Union européenne.

Après que l'image de l'enfant syrien Aylan Kurdi, noyé en Méditerranée, a fait le tour du monde, Barack Obama a déclaré en septembre vouloir en accueillir 10 000 avant la fin septembre 2016. Il a renouvelé son engagement lundi.

Déjà critiques de cette décision avant les attentats de Paris, les républicains ont promis d'agir vite, bien que le doute persiste sur l'identité réelle du kamikaze au passeport syrien.

«Notre pays a toujours été accueillant, mais nous ne pouvons pas laisser des terroristes exploiter notre compassion», a justifié Paul Ryan.

Critiques contre l'UE 

De hauts responsables américains insistaient mardi sur le fait que l'opposition des gouverneurs était déplacée, puisque le programme de réfugiés est une compétence fédérale, et que les réfugiés sont libres de déménager après avoir été installés dans un État.

La procédure d'admission est déjà très stricte, martèle l'administration. Les réfugiés sont d'abord sélectionnés par le Haut commissariat de l'ONU parmi les personnes les plus vulnérables (handicapés, victimes de tortures, mères seules avec beaucoup d'enfants...) abritées dans ses camps en Turquie, Jordanie et Égypte, et bientôt au Liban.

Suivent des entretiens avec des fonctionnaires du département de la Sécurité intérieure, une prise d'empreintes, et des vérifications par les services de renseignement et le FBI. Le tout dure entre 18 et 24 mois en moyenne, toutes nationalités confondues.

Selon un haut responsable américain, la moitié des réfugiés syriens admis aux États-Unis étaient des enfants, et seulement 2% étaient des hommes célibataires d'âge militaire.

Mais «on n'est pas capables de vérifier complètement le passé des Syriens, car il n'y a pas de tiers qu'on peut contacter en Syrie pour obtenir des informations», a insisté le représentant républicain Richard Hudson.

Barack Obama ne peut même plus compter sur le soutien sans faille des démocrates. La plupart adhèrent à son objectif de 10 000 réfugiés, mais quelques-uns commençaient à céder à la pression.

Une pause pourrait s'avérer «nécessaire», a lâché le numéro trois des démocrates du Sénat Chuck Schumer (New York).

Les élus citaient aussi de plus en plus une éventuelle retouche du dispositif qui permet aux ressortissants de 38 pays, dont des pays européens, de se rendre sans visa de touriste aux États-Unis.

«On doit s'y intéresser, de même que l'Europe est confrontée à la facilité de circulation des réfugiés d'un pays européen à l'autre», avance la républicaine Susan Collins.

«Ce qui serait à mon avis beaucoup plus utile serait de convaincre nos alliés (européens) d'avoir une procédure de sélection aussi stricte que la nôtre», dit à l'AFP le sénateur démocrate pro-réfugiés Patrick Leahy.