L'ex-chef de la diplomatie américaine Hillary Clinton a défendu pendant toute une journée jeudi devant des républicains hostiles ses décisions avant et après les attaques contre la mission diplomatique de Benghazi (Libye) en 2012, une performance marathon célébrée par ses partisans.

Au terme d'une audition de 11 heures, interrompue par plusieurs pauses, la candidate démocrate à la Maison Blanche semblait avoir rempli ses objectifs: ne pas trébucher, éviter les faux pas, ne pas s'emporter face à des républicains qui toute la journée l'ont accusée de négligence et de manipulation politique autour de la tragédie, qui s'est produite en pleine campagne électorale, la nuit du 11 septembre2012.

Des assaillants extrémistes avaient attaqué l'enceinte diplomatique américaine puis l'annexe proche de la CIA, tuant l'ambassadeur Chris Stevens et trois autres Américains.

Patiemment, avec par moments une pointe d'agacement, Hillary Clinton a redit assumer ses responsabilités, admettant que la sécurité n'était pas au niveau.

Les républicains de la commission d'enquête sur Benghazi, créée en 2014, reprochent à l'administration de Barack Obama d'avoir initialement tenté de cacher le caractère terroriste des attaques, les mettant sur le compte d'une manifestation contre un film islamophobe produit aux Etats-Unis et qui aurait dégénéré. Barack Obama était alors en pleine campagne pour sa réélection. Ce scénario s'est vite effondré.

«La Libye était censée être un grand succès de la Maison Blanche et du département d'Etat», a avancé le républicain Jim Jordan. «Vous avez un attentat terroriste 56 jours avant les élections. Vous pouvez accepter une manifestation à propos d'une vidéo, ça ne vous nuit pas. Mais une attaque terroriste, si».

Hillary Clinton, face à sept républicains et cinq démocrates, n'a jamais perdu son sang-froid, contrairement à sa précédente audition en janvier 2013 quand, poussée à bout par un sénateur, elle avait élevé la voix. Sa voix ne l'a trahie que dans la dixième heure, quand elle a souffert une brève quinte de toux.

Elle a néanmoins accusé ses adversaires de rompre avec la tradition américaine en politisant une tragédie nationale, contrairement à ce qu'il s'était passé après les attentats de Beyrouth en 1983 ou en Afrique en 1998.

«Il est profondément malheureux qu'une chose aussi grave que Benghazi puisse être exploitée dans un but politique partisan», a-t-elle dit.

La gorge serrée, elle a raconté le brouillard des premières heures, sa «détresse» et ses efforts de toute une nuit pour sauver les Américains encerclés.

«Harcèlement»

Les républicains l'ont longuement interrogée pour comprendre pourquoi des demandes de sécurité supplémentaire pour Benghazi, les mois précédents, avaient été rejetées, malgré des attentats contre des diplomates étrangers.

Hillary Clinton a répondu que ces requêtes ne passaient pas par elle, et que personne ne lui avait recommandé de fermer les installations de Benghazi - pas même l'ambassadeur Stevens.

Elle a élargi le débat en défendant l'intérêt «vital» d'une présence américaine dans cette ville, bastion de la révolution libyenne. «Nous connaissions les risques», a-t-elle insisté.

L'un des seuls moments de faiblesse fut quand elle reconnut de ne plus se souvenir si elle avait parlé à Chris Stevens dans les mois précédant l'attaque.

Les républicains étaient venus armés d'une pile de messages envoyés et reçus par Hillary Clinton, qu'ils ont fastidieusement épluchés en quête d'une preuve de négligence, mais sans trouver d'élément impliquant indiscutablement l'ex-secrétaire d'Etat.

L'affaire de la messagerie privée d'Hillary Clinton, préférée à un compte gouvernemental, a éclaté en mars dernier, soulevant des questions sur l'exhaustivité et la sécurité de ses archives. Le système a été découvert par les enquêteurs parlementaires qui réclamaient les communications d'Hillary Clinton relatives à la Libye.

Elle a averti que ces messages ne donnaient qu'une vision très partielle de ses actes.

Les démocrates ont profité de l'audition, retransmise sur plusieurs chaînes, pour dénoncer un acharnement politique contre la candidate présidentielle - et un «harcèlement» -, l'interrogatoire atteignant une durée record.

«On dirait que la majorité cherche à vous épuiser pour vous pousser à dire quelque chose qu'ils pourront utiliser contre vous», a dit le démocrate Adam Smith.

«Ce n'est pas un procès», a maintenu Trey Gowdy, le président républicain de la commission, qui a fait valoir que la commission ne cherchait «que la vérité». «Madame la secrétaire, aucun membre de cette commission n'est là pour enquêter sur vous ou votre courriel».

Mais les questions répétées des républicains, en fin de journée, sur la messagerie de l'ex-secrétaire d'Etat ont renforcé l'argument du camp Clinton que la «chasse aux sorcières» contre la candidate continue.