Ce n'est pas le rendez-vous de la dernière chance pour Hillary Clinton, tant s'en faut, mais il pourrait représenter un tournant dans sa campagne présidentielle, qui connaît une embellie depuis un peu plus de trois semaines.

Jeudi, la démocrate affrontera quelques-uns de ses antagonistes les plus persistants. Elle comparaîtra devant la commission spéciale de la Chambre des représentants chargée d'enquêter sur les circonstances entourant l'attaque contre la mission diplomatique des États-Unis à Benghazi qui a coûté la vie à quatre Américains le 11 septembre 2012. Créée en mai 2014 et dominée par les républicains, cette commission ne semble avoir guère progressé dans sa mission originale, mais elle a mis l'ancienne secrétaire d'État sur la défensive en découvrant, en mars dernier, son utilisation exclusive d'un système de messagerie privée, au lieu d'une messagerie gouvernementale, au cours de ses quatre années à ce poste.

Diffusée en direct sur les chaînes d'information continue américaines, l'audition d'Hillary Clinton est susceptible de confirmer ou de compromettre l'amélioration de sa situation politique. Trébuchera-t-elle sur une question imprévue? Retournera-t-elle contre ses ennemis leur inquisition ? Restez à l'écoute, comme on dit.

En attendant, et cela n'est pas sans ironie, Hillary Clinton doit aux républicains de la Chambre des représentants d'avoir contribué à changer pour le mieux la dynamique de sa campagne. Le 29 septembre, lors d'une entrevue à Fox News, le numéro deux du Grand Old Party à la Chambre, Kevin McCarthy, lui a fait une faveur en laissant entendre que la commission sur l'attaque de Benghazi avait pour but de lui nuire politiquement:

«Tout le monde pensait qu'Hillary Clinton était imbattable, n'est-ce pas? Mais nous avons mis sur pied une commission spéciale sur Benghazi. Et que disent les sondages aujourd'hui? Ses appuis chutent. Pourquoi? Parce qu'elle n'est pas digne de confiance.»

Il ne fait pas de doute que la popularité d'Hillary Clinton a chuté à la suite des premières révélations sur ses courriels. L'affaire a mis en relief deux traits qui ont contribué par le passé aux problèmes de l'ancienne première dame des États-Unis, à savoir son manque de transparence, qui confine à la paranoïa, et son incapacité à juger les retombées politiques de certaines de ses décisions, aussi légales soient-elles.

L'affaire a également mis en cause l'honnêteté de la démocrate. Elle a notamment suscité le scepticisme en affirmant que l'utilisation d'une messagerie privée était «plus pratique» pour elle. Mais la déclaration de Kevin McCarthy lui a permis d'abandonner sa position défensive et de passer à l'offensive.

«Les républicains dépensent des millions pour attaquer Hillary parce qu'elle se bat pour tout ce à quoi ils s'opposent», dit le narrateur d'une pub diffusée depuis le 6 octobre et exploitant les propos du représentant républicain de la Californie.

Dans le même temps, Hillary Clinton a poursuivi sa tournée des talk-shows américains, cherchant à redorer son image. Et elle semble avoir atteint son objectif en participant notamment à un sketch de Saturday Night Live, l'émission humoristique de NBC. Se glissant dans la peau d'une barmaid sympathique prénommée Val, elle a donné la réplique avec aplomb et humour à la comédienne Kate McKinnon, qui jouait le rôle d'une Hillary Clinton un peu saoule et pas mal dépassée par le succès de Donald Trump.

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Sur un mode beaucoup plus sérieux, la candidate présidentielle a également offert une performance solide lors du premier débat des primaires démocrates, mardi dernier. Elle n'a peut-être pas le charisme de son mari, mais elle a démontré une expertise et une finesse politiques dont sont dépourvus tous ses rivaux démocrates.

Bernie Sanders, son principal rival, finira peut-être par regretter d'être venu à sa rescousse lors du débat. S'adressant au modérateur de CNN, Anderson Cooper, il a déclaré: «Permettez-moi de dire quelque chose qui ne relève peut-être pas de la grande politique, mais je pense que la secrétaire [d'État] a raison. Le peuple américain en a plus qu'assez d'entendre parler de vos fichus courriels.»

«Merci Bernie!», a interjeté Hillary Clinton, sourire aux lèvres, en tendant la main à son rival.

Mais le FBI n'a pas encore dit son dernier mot sur ces courriels. Ses agents continuent à examiner le serveur privé utilisé par Hillary Clinton pour s'assurer que des informations relevant du secret n'ont pas été traitées de façon erronée.

Et les républicains n'en ont certainement pas assez d'entendre parler de ces fichus courriels. Ceux de la Chambre des représentants y reviendront sûrement jeudi lors de l'audition d'Hillary Clinton. Reste à voir qui en sortira gagnant.