À Roseburg, petite ville très pieuse de l'Ouest américain, l'heure était au recueillement dimanche après le massacre de neuf étudiants par un des leurs. Et de nouveaux détails du drame émergeaient.

Les fidèles arrivaient à l'église des Nouveaux Départs («Church of the new beginnings») où prêche le pasteur Randy Scroggins, pour le premier service dominical depuis la tuerie.

La fille du pasteur, Lacey, a elle-même survécu en faisant la morte, protégée par le corps d'un de ses camarades, qui est mort.

Dans l'église, les uns se disaient dimanche effrayés, comme une jeune mère de 21 ans qui étudie à l'université d'Umqua où a eu lieu la fusillade, d'autres se sentaient «vaincus pour ne pas avoir réussi à empêcher ça».

Jami Burkhert, 42 ans, qui sèche ses larmes dans un mouchoir, est «submergée». «Nous sommes une petite ville, on ne pensait jamais qu'une telle chose arriverait. Mais ça a rassemblé notre communauté».

«Le Dieu qui était bon pour nous hier, reste le Dieu qui est bon aujourd'hui, même si nous ne comprenons pas tout ce qui s'est passé», a lancé le pasteur Randy.

«Dieu, nous avons besoin de toi aujourd'hui», a chanté sur un rythme rock la chorale, tandis que l'assemblée tapait dans les mains.

L'arrivée du Mal

Le pasteur a rendu hommage aux neuf victimes, âgées de 18 à 67 ans et en particulier à Rebecka Carnes, dont les grands-parents ont assisté à son sermon.

«Nous ne nous laisserons pas définir par la violence!» a-t-il aussi scandé avec force, évoquant les attentats du 11-Septembre, les massacres des écoles de Newton, Columbine ou Virginia Tech.

«Mais rien ne pouvait nous préparer à l'arrivée du Mal à Roseburg», a-t-il affirmé.

Avant le début de la cérémonie, il partageait le récit de Lacey.

Quand Chris Harper Mercer est entré dans leur classe d'expression écrite, elle a d'abord cru à une blague ou à un exercice de sécurité.

Puis les coups de feu se sont succédé. Le professeur Lawrence Levine est tombé le premier, suivi d'autres élèves, un par un. «Toi, en orange, tu vas être le chanceux qui va vivre», a dit Harper Mercer en lui confiant son sac plein de documents et disques numériques pour «raconter son histoire».

Le tueur a demandé aux élèves s'ils étaient chrétiens, et ceux qui répondaient par l'affirmative étaient exécutés d'une balle dans la tête, les autres visés aux extrémités, selon Lacey. 

«Supplie-moi de te laisser en vie et je t'épargnerai», aurait-il dit à une des élèves, et quand elle a commencé à le faire, «il l'a quand même tuée».

Une femme lui a dit «je suis désolée pour toi, pour ce qui a dû t'arriver», mais elle aussi a été abattue.

«Lacey se préparait à mourir, elle a entendu un coup de feu puis senti le corps de Trevon qui l'a fait tomber. Puis quelque chose de chaud. Son sang».

Chris Harper Mercer a demandé à Lacey «toi, lève-toi», mais elle était paralysée par la peur, bloquée par le corps de Trevon et couverte de son sang.

«Il l'a crue morte. Il est passé à la suivante», poursuit le pasteur Scroggins, en larmes.

Aujourd'hui «par moments elle va bien, puis s'effondre. Dès qu'il y a du silence, elle entend le bruit des balles», dit-il.

Il a rendu hommage pendant la cérémonie à Trevon Anspach, qui sera «pour toujours notre héros».

Dans cette petite ville traumatisée, des évangélistes prosélytes n'ont pas tardé à arriver, comme l'«équipe d'intervention rapide de Billy Graham».

«La plupart des pasteurs n'ont pas la formation pour la gestion d'événements de masse», explique Jeff Naber installé dans un camion de prière.

Roseburg, boisée et vallonée, est une communauté pauvre où la mort de l'industrie du bois a laissé un fort taux de chômage.

«Nous sommes plus conservateurs et religieux que le reste de l'Oregon. Nous sommes un îlot de républicains dans un océan de démocrates», constate le pasteur Jerry Smart, organisateur d'une veillée d'hommage aux victimes samedi soir.