Les motifs du tireur qui a abattu neuf personnes sur un campus de l'ouest des États-Unis jeudi restaient mystérieux, des bribes de biographies faisant apparaître un homme taciturne amateur d'armes. L'Amérique, elle, se déchire sur leur contrôle, comme après chaque massacre.

«Il est trop tôt pour dire quel était le motif» du tueur, a déclaré vendredi le shérif du comté local, John Hanlin. Chris Harper Mercer, 26 ans, est mort lors d'un échange de coups de feu avec les forces de l'ordre sur les lieux du crime, après avoir tué neuf personnes et blessé neuf autres.

La police a découvert un véritable arsenal sur le campus de l'université d'Umpqua et chez le tueur: treize armes, «un gilet pare-balles posé près d'un fusil sur le campus» ainsi que «cinq chargeurs», a révélé en conférence de presse Celinez Nunez, de l'agence fédérale chargée de la lutte contre le trafic des armes à feu (ATF).

Toutes les armes, dont six retrouvées sur le campus et sept au domicile du tueur, avaient été achetées légalement, relançant une nouvelle fois le débat sur leur contrôle.

Le président Barack Obama s'est exprimé à nouveau sur ce drame vendredi pour dénoncer l'«inaction» des élus à réguler davantage l'accès aux armes à feu. «Je vais parler de cela de manière régulière (...) et politiser cela, car notre inaction est une décision politique», a fustigé M. Obama lors d'une conférence de presse à la Maison-Blanche.

Il a aussi ironisé sur des propos controversés de son adversaire républicain Jeb Bush, qui a affirmé à propos de la tuerie que «ces choses-là arrivent». «Les Américains devraient entendre cela et juger par eux-mêmes en tenant compte du fait que tous les deux mois, nous avons une tuerie. Et ils pourront décider s'ils pensent que "ces choses-là arrivent"», a estimé M. Obama.

La police refusait encore vendredi de donner le nom du tueur, affirmant vouloir ainsi éviter de le «glorifier» et d'inspirer d'autres massacres. Elle a cependant donné les noms des victimes et lu des déclarations de familles éplorées.

En fonction de leur religion

Le shérif John Hanlin n'a pas confirmé si, comme le rapportent plusieurs médias, le tueur avait demandé aux étudiants de dire s'ils étaient chrétiens avant d'abattre ceux qui répondaient oui, un à un, dans leur salle de classe.

Le Southern Poverty Law Center (SPLC), une organisation qui suit aux États-Unis les groupes incitant à la haine, a estimé que la tuerie «avait toutes les caractéristiques d'un crime classique motivé par la haine» et que le tireur avait «choisi ses victimes en fonction de leur religion».

Paniqués, les étudiants de cette université spécialisée dans la formation continue, qui restera fermée toute la semaine prochaine, se sont protégés comme ils pouvaient.

Mais l'un d'eux, un ancien de l'armée de terre, Chris Mintz, a choisi de faire face. «Il tente de bloquer la porte pour empêcher le tireur d'entrer, se fait tirer dessus trois balles, tombe par terre, regarde le tireur et lui dit "c'est l'anniversaire de mon fils aujourd'hui", et se fait tirer dessus deux fois de plus», a raconté sa tante à CBS. Il a survécu, mais «va devoir réapprendre à marcher», a dit Wanta Mintz.

Mary Moore, aide-soignante de 57 ans, vit dans l'appartement juste au-dessus de celui de Chris Harper Mercer, dont la police a interdit l'accès. Elle se disait «bouleversée, choquée».

«Il semble s'agir d'un jeune homme en colère, plein de haine», a confié un policier au New York Times.

Crâne rasé, bottes militaires, pantalon de treillis et T-shirt blanc: il s'habillait toujours de la même façon, ont assuré des voisins au journal, le décrivant comme étant un jeune homme anxieux et taciturne, qui vivait avec sa mère.

Crime «insensé»

Le portrait du tueur restait pourtant flou vendredi, sa demi-soeur, Carmen Nesnick, peignant une tout autre image sur CBS: «Il plaçait toujours les autres avant lui. Il voulait que tout le monde soit heureux», a-t-elle témoigné, assurant que son demi-frère, par alliance, n'était pas anti-religieux et que sa famille était chrétienne.

Chris Harper Mercer serait né au Royaume-Uni avant de déménager, enfant, aux États-Unis, a-t-elle indiqué, précisant que sa mère à elle avait épousé le père du tueur il y a quelques années.

Son père, Ian, s'est dit «choqué».

Le maire de Roseburg, bourgade rurale et tranquille de 21 000 habitants où tout le monde connaît quelqu'un qui a travaillé ou étudié à l'université située à une dizaine de kilomètres, a dénoncé un crime «insensé».

Ban Ki-moon demande des mesures contre un «fléau»

Le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon a demandé vendredi aux États-Unis d'agir pour éviter de nouvelles fusillades meurtrières telles que celle qui s'est produite sur un campus de l'Oregon, parlant d'un «fléau» pour la société américaine.

«Après une nouvelle tragédie de ce type, a déclaré le porte-parole de l'ONU, le secrétaire général espère fermement que les États-Unis, par le biais de leur solide processus démocratique, pourront prendre les mesures nécessaires pour réduire le terrible bilan en vies humaines de la violence par armes à feu dans la société américaine».

M. Ban «a noté que le président Barack Obama avait démontré à de nombreuses reprises son engagement à traiter ce fléau», a ajouté le porte-parole, Stéphane Dujarric.

Se disant «profondément attristé», M. Ban a adressé ses «sincères condoléances» aux familles des victimes et souhaité un prompt rétablissement aux blessés.

Après le drame de Rosburg, Barack Obama a appelé une nouvelle fois le Congrès à légiférer pour mieux encadrer l'utilisation des armes à feu.

Depuis le début de l'année, les États-Unis ont été le théâtre de 294 fusillades de masse en 274 jours, selon le site Shootingtracker. Celui-ci recense tous les incidents de ce type impliquant au moins quatre victimes, qu'elles soient tuées ou blessées.