Le pape François a demandé vendredi depuis la tribune de l'ONU des «accords fondamentaux» à la prochaine Conférence de Paris pour le climat (COP21), et dénoncé la «culture du déchet» et les guerres, dont celle, silencieuse, du narcotrafic.

Il faut «que la Conférence de Paris sur le changement climatique aboutisse à des accords fondamentaux et efficaces», a martelé le pape, qui a insisté sur ses priorités pour la sauvegarde de la «maison commune», qu'il avait exposées dans son encyclique «Laudato si'« (Loué sois-tu»).

François, quatrième pape à se rendre à l'ONU, estime qu'il «existe un véritable droit de l'environnement» devant être reconnu : «chaque dommage à l'environnement est un dommage à l'humanité» et «la crise écologique peut mettre en péril l'existence même de l'humanité».

Il a souhaité le «succès» de l'«Agenda 2030 pour le développement durable» à l'occasion du sommet à l'ONU qui commence ce vendredi.

Le pape argentin a dénoncé «la guerre assumée et faiblement combattue» du narcotrafic, un «conflit, qui en silence, provoque la mort de millions de personnes».

«Le narcotrafic est accompagné par la traite des personnes, le blanchiment des actifs, le trafic des armes, l'exploitation des enfants et par d'autres formes de corruption. Corruption qui a infiltré les divers niveaux de la vie sociale, politique, militaire, artistique et religieuse, en générant, dans beaucoup de cas, une structure parallèle qui met en péril la crédibilité de nos institutions», a-t-il dénoncé.

Modes de vie «anormaux»

Abordant enfin un sujet très sensible qui divise à l'ONU les pays occidentaux et les pays du Sud, François a dénoncé «la colonisation idéologique» qui impose aux «peuples» des «modèles de vie anormaux» et, «en dernier ressort, irresponsables».

Il s'agit d'une allusion implicite à la théorie du genre et au mariage gai, qui a beaucoup de défenseurs dans la ville de New York où séjourne le pape jusqu'à ce soir.

Ces styles de vie «sont étrangers à l'identité des peuples». Il a demandé à l'ONU de reconnaître «une loi morale inscrite dans la nature humaine elle-même, qui comprend la distinction naturelle entre homme et femme».

Ces propos risquent d'avoir un écho particulier aux rencontres mondiales des familles catholiques, que le pape va clôturer samedi et dimanche à Philadelphie.

Le souverain pontife a critiqué les organismes financiers internationaux qui «soumettent» les pays, de façon asphyxiante, à des systèmes de crédits qui assujettissent les populations à des mécanismes de plus grande pauvreté, d'exclusion et de dépendance».

«Les plus pauvres sont mis au rebut, obligés de vivre des rebuts», a-t-il dénoncé, énumérant «la traite des êtres humains, le commerce d'organes, l'exploitation sexuelle des enfants, l'esclavage dans le travail, le trafic de drogue et d'armes, le terrorisme et le crime organisé».

Contre l'exclusion, Jorge Bergoglio a demandé aux États d'imposer un «minimum absolu» qui aurait, «sur le plan matériel, trois noms : toit, travail et terre; et un nom sur le plan spirituel : la liberté de pensée, qui comprend la liberté religieuse, le droit à l'éducation et les autres droits civiques».

Il a exigé que ce droit à l'éducation vaille «pour les filles, exclues dans certaines régions» du monde.

Avec une virulence surprenante, il a jugé aussi que l'ONU devait s'en prendre aux méfaits d'un «pouvoir technologique», qui franchit «les distances et les frontières». «Une réponse indispensable puisque le pouvoir technologique, aux mains d'idéologies nationalistes et faussement universalistes, est capable de provoquer de terribles atrocités».

François a rappelé «ses appels incessants» pour les chrétiens et les autres minorités» d'Orient et d'Afrique «qui ne veulent se laisser gagner par la folie et la haine» des extrémistes violents.

Il s'est aussi inquiété de «la prolifération des armes». «Il faut oeuvrer pour un monde sans armes nucléaires», a-t-il dit, saluant positivement l'accord des grandes puissances avec l'Iran (sans citer le nom de ce pays) sur son programme nucléaire.

Le pape s'est déclaré favorable à une réforme de l'ONU pour «accorder à tous les peuples une participation et une incidence réelle et équitable dans les décisions», notamment au sein du Conseil de sécurité.

À la mémoire du 11-Septembre

Le pape François est arrivé vendredi en fin de matinée au mémorial du 11-Septembre à New York, où il s'est recueilli avant de rencontrer des proches de victimes de l'attentat qui a fait plus de 2600 victimes en 2001.

Il est resté de longues secondes devant l'une des fosses symbolisant l'emplacement des deux tours jumelles, avant de déposer une fleur blanche sur l'une des stèles où sont inscrits les noms des victimes.

Accompagné de l'ancien maire de New York, Michael Bloomberg, il s'est brièvement entretenu avec des proches de victimes, avant de se rendre dans le musée du 11-Septembre pour y célébrer un office multiconfessionnel devant quelques centaines de personnes.

Durant l'après-midi, il devait se rendre dans une église d'East Harlem, quartier à forte présence hispanique, puis traverser une partie de Central Park avant de célébrer une messe dans la célèbre salle du Madison Square Garden.

PHOTO JEWEL SAMAD, AFP