La CIA a commencé mercredi la publication des «mémos quotidiens au président», des concentrés d'informations ultra-secrètes préparés spécialement pour l'hôte de la Maison-Blanche, en commençant par ceux rédigés pour les présidents Kennedy et Johnson entre 1961 et 1969.

Ces mémos de quelques pages -- les «President's daily briefs» -- sont l'un des symboles de la puissance du président américain.

Ils sont publiés sur le site de la CIA en application des efforts de transparence voulus par le président Obama, a expliqué le directeur de l'agence de renseignement, John Brennan, dans un discours publié sur le site.

Les mémos quotidiens ont commencé à être rédigés par la CIA pour le président Kennedy, qui avait constaté au début de son mandat que des informations importantes des services de renseignement lui échappaient.

Ils «résument en quelques pages tout le renseignement méritant l'intention du président», selon M. Brennan.

La tradition, affinée et adaptée aux différents présidents, s'est poursuivie depuis, jusqu'au président Obama qui y a désormais accès sur une tablette iPad, selon M. Brennan.

Pour le directeur de la CIA, la publication des documents est aussi l'occasion de montrer au grand public le rôle crucial joué par cette agence pour éclairer le président, au moment de la crise de Cuba ou de la guerre du Vietnam, par exemple.

La CIA a eu le «courage intellectuel» de produire une description «plus menaçante, et comme les évènements l'ont prouvé, plus précise» de la situation au Vietnam, irritant au passage certains conseillers de la Maison-Blanche et au risque parfois de décevoir un président voulant croire à une amélioration de la situation, a souligné M. Brennan.

«En 2015, la CIA continue de décrire le monde comme elle le voit», a-t-il souligné.

Ces propos ont une résonance tout particulière aujourd'hui, alors que le renseignement militaire américain est secoué par une fronde de certains de ses analystes au sein du commandement militaire pour le Proche-Orient (Centcom), qui se sont plaints de voir enjolivés leur rapports sur la guerre contre le groupe Etat islamique.

Les historiens feront leur miel de ces documents, qui comportent toutefois encore souvent des parties censurées. Comme ce mémo du 10 avril 1962, deux jours après le référendum en France sur les accords d'Evian, où le texte concernant la situation en Algérie est blanchi.

Les plumes de la CIA étaient parfois acérées, comme dans ce mémo du 15 janvier 1969 qui constate que De Gaulle, qui a décrété un embargo sur les armes en Israel, «déblatère» en affirmant que les Soviétiques vont suivre son exemple et limiter leurs livraisons d'armes au Proche-Orient.

La CIA pouvait aussi être littéraire. Au lendemain de la mort du président Kennedy, le nouveau président Lyndon Johnson prend connaissance pour la première fois du mémo confidentiel de l'agence (dont Kennedy de son vivant le tenait écarté)

Le document de la CIA se réduit peu ou prou à un poème, qu'avait cité Kennedy devant la presse au moment de la crise des missiles de Cuba. Dans les corridas, dit le poème, les arènes sont pleines de spécialistes de tauromachie, «mais il y en a un seul qui sait / et c'est celui qui combat le taureau», dit le texte au nouveau président.

Les quelque 2500 mémos des présidents Kennedy et Johnson sont publiés sur le site de la CIA.

Les 2000 mémos des présidents Nixon et Ford seront publiés en 2016, selon M. Brennan, qui n'a pas précisé quand les mémos des présidents suivants pourraient être publiés.

«Le processus continuera», s'est-il limité à dire.