Les outils technologiques à la disposition des politiciens ont beaucoup évolué depuis 2008, année où l'équipe de Barack Obama a révolutionné la façon de mener une campagne présidentielle.

Aujourd'hui, outre les textos, Facebook et Twitter, il y a aussi Instagram, Snapchat, Periscope et Meerkat, pour ne nommer que quelques applications qui permettent de joindre les électeurs là où ils sont.

Mais avec ses 189 millions d'utilisateurs américains chaque mois, Facebook semble encore une fois le mieux placé pour devenir incontournable durant la campagne présidentielle de 2016.

Au cours des dernières années, le géant des médias sociaux a étoffé son équipe politique et développé de nouveaux outils qui permettent de mieux cibler les électeurs afin de les encourager à voter et à financer leur candidat préféré.

Il a également amélioré la qualité de diffusion de ses vidéos. Résultat: il se visionne sur Facebook environ 4 milliards de vidéos quotidiennement.

Depuis 2012, Facebook a également doublé son équipe politique et gouvernementale, selon le New York Times. Cette équipe comprend un groupe de ventes de publicités politiques, équipe chargée de l'analyse de données, ainsi que des employés, qui se consacrent exclusivement aux démocrates et aux républicains.

Au grand dam des défenseurs de la vie privée, Facebook propose aux partis politiques des outils qui leur permettent de transférer leur liste de supporteurs directement sur Facebook pour ensuite aller les chercher avec des messages et des vidéos ciblés.

Quand un internaute clique sur une page politique, le parti ou le candidat est désormais en mesure de savoir si c'est la première fois qu'il clique ou si c'est un partisan inscrit, s'il a déjà donné de l'argent et s'il y a des causes qui lui tiennent particulièrement à coeur.

«Il y a un niveau de précision qui n'existe pas dans les autres médias», confiait récemment une employée de l'équipe politique de Facebook, Crystal Patterson.

Le contenant avant le contenu

Quel est l'impact de ces outils ultra-sophistiqués sur le déroulement d'une campagne présidentielle et sur la façon dont on fait de la politique aujourd'hui? «Avant, le produit c'était le politicien, note Karine Prémont, professeure à l'École de politique appliquée de l'Université de Sherbrooke. Aujourd'hui, le produit, c'est nous. Avec les médias sociaux, Facebook en particulier, les partis politiques collectent des informations pour adapter leur message. L'impact est majeur sur la nature des politiciens et sur le contenu de leur discours.»

L'utilisation des données personnelles des électeurs atteindra des niveaux inégalés, mais elle n'est pas nouvelle. Déjà, en 2012, les partis politiques avaient accès à des informations qu'ils pouvaient utiliser pour peaufiner leur message. «Mitt Romney ne l'a pas compris, il a ignoré les données et il a perdu sa campagne», note Karine Prémont, qui est également membre de l'Observatoire des États-Unis de la Chaire Raoul-Dandurand de l'UQAM.

Un discours formaté

Est-ce que cette religion de l'algorithme peut expliquer, du moins en partie, le cynisme ambiant?

«C'est vrai qu'on a l'impression que le contenu politique n'a plus beaucoup d'importance, répond Karine Prémont. Le message est de plus en plus formaté, ce qui peut en partie expliquer le désabusement.»

On forme de plus en plus d'analystes de données qui travaillent dans l'ombre devant des ordinateurs, poursuit la professeure de science politique. Cela dit, même s'ils sont moins nombreux qu'avant, c'est impossible de gagner une campagne sans les partisans sur le terrain.

Il n'y a pas que les geeks qui déshumanisent la politique. Karine Prémont croit que les réseaux sociaux alimentent eux aussi le cynisme ambiant. «Les campagnes sont plus négatives qu'avant, estime-t-elle. Aujourd'hui, n'importe qui peut produire un clip et le mettre sur Facebook et il peut faire le tour du monde même si son contenu est mensonger. Les réseaux sociaux permettent de saboter la campagne du camp adverse, d'autant plus que sur Twitter, il est facile de cacher son identité. On ne sait pas qui parle.»

«Le point positif, c'est que les spin doctors ont moins de pouvoir, poursuit Karine Prémont. Ils ont moins de contrôle sur le message.»

Et au Canada?

Facebook compte 20 millions d'utilisateurs chaque mois au Canada. «C'est plus que le nombre de Canadiens qui ont voté aux élections fédérales de 2011», observe Kevin Chan, chef des politiques publiques à Facebook Canada. Le réseau social travaille avec tous les partis et chaque parti en fait une utilisation différente. «Il y a eu des rencontres avec les partis avant la campagne et nous continuerons à collaborer avec eux durant la campagne sur une base régulière et non partisane», déclare M. Chan.

Récemment, le premier ministre Stephen Harper a publié une vidéo sur Facebook pour annoncer l'envoi d'un chèque de soutien financier aux familles canadiennes; Justin Trudeau a répondu aux questions du rédacteur en chef de Vancitybuzz, site d'information basé à Vancouver (la vidéo a été publiée sur Facebook) et le NPD a utilisé Facebook pour faire circuler une pétition contre la loi C-51. Ce ne sont là que quelques exemples et on peut s'attendre à voir le nombre d'initiatives se multiplier au cours des prochaines semaines.



Utilisation des réseaux sociaux aux États-Unis

Facebook: 71% des internautes adultes

Twitter: 23%

Instagram: 26%

Source: Pew Research Center Internet Project, 2014