La mort de cinq militaires tués jeudi dans le sud des États-Unis a généré des appels d'élus à armer les militaires américains pour qu'ils puissent mieux se défendre, une proposition jugée dangereuse, voire inefficace, par les experts et qui n'est pas envisagée par le Pentagone.

Quand Mohammad Youssuf Abdulazeez s'est attaqué à un bureau de recrutement des Marines puis à un centre de réservistes à Chattanooga (Tennessee), il a choisi des cibles «vulnérables» qui sont «très différentes des bases et des forts lourdement armés», a noté Ali Soufan, ancien agent du FBI spécialiste d'Al-Qaïda.

Si bien que plusieurs élus, à l'instar du turbulent candidat républicain à la Maison-Blanche Donald Trump, ont réclamé que les soldats puissent mieux «se protéger».

«Les politiques de prohibition des armes dans les installations militaires ont fait des hommes et des femmes en uniforme des cibles vulnérables pour les attaques terroristes», a soutenu le président de la commission de la Sécurité intérieure au Sénat, Ron Johnson. Il compte déposer un texte pour y mettre fin, nommé «loi sur l'autodéfense des forces armées».

Sa logique n'est pas sans rappeler celle du puissant lobby des armes à feu, la National Rifle Association (NRA). Également au nom de l'autodéfense, la NRA avait suggéré d'armer les enseignants après le massacre de 20 écoliers à Newtown en 2012 ou d'armer les étudiants après des fusillades sur les campus.

Or depuis une directive de 1992 de l'administration Bush, les militaires n'ont pas le droit de porter d'armes dans les enceintes où ils travaillent, même si certaines bases autorisent leur détention, mais à domicile ou dans une armurerie.

Seuls ont le droit d'en porter les militaires chargés de la sécurité, ceux qui gardent des prisonniers, ou certains personnels «qualifiés».

Ces mesures découlent du Posse Comitatus Act de 1878, interdisant à la police locale de faire appel à des soldats pour le maintien de l'ordre. Les militaires sur le sol américain sont censés être protégés par la police, comme n'importe quel citoyen.

Pas de «forteresses»

Cela peut sembler un paradoxe dans un pays où, dans 44 États sur 50, les citoyens ont le droit de porter en public une arme à feu, au nom du sacro-saint Deuxième amendement de la Constitution.

Mais «pour la plupart des gens dans l'armée américaine leur travail n'est pas de porter une arme à feu», a relevé Charles Stimson, membre de la conservatrice Heritage Foundation et réserviste de la marine.

Partisan d'une approche «mesurée», il a estimé que les services de renseignement devaient d'abord dire «s'il y a une menace spécifique contre un élément particulier de l'armée».

«Nous ne pouvons pas avoir des endroits où on recrute des jeunes hommes et femmes qui ressemblent à des forteresses. Nous devons être en lien avec le peuple américain», a souligné dans le Military Times un porte-parole de l'armée de terre.

Le ministre de la Défense Ashton Carter a promis de mieux protéger les installations militaires, mais il est resté prudent.

Le chef du commandement militaire des États-Unis (Northern Command), l'amiral William Gortney, a décidé de renforcer la sécurité des centres de recrutement et de réservistes, mais n'a pas suggéré d'armer les militaires.

En avril 2014, le Pentagone avait clairement exprimé son opposition au port d'arme, en invoquant des raisons de sécurité, le «coût prohibitif» de la formation du personnel et le fait que cette mesure risquait de contredire d'autres régulations, locales ou fédérales.

Plusieurs États ont autorisé ce week-end les gardes nationaux à être armés dans certains lieux. Ces mesures visent à «dissuader» de potentiels agresseurs, mais «c'est vraiment difficile de dire» si elles peuvent être efficaces, a reconnu le porte-parole de leur association, John Goheen.

Rick Brennan, analyste à la Rand corporation, a estimé que de toute façon, «on ne peut rien faire dans une société libre qui puisse empêcher toutes les attaques».

«Même en autorisant les militaires à porter des armes à feu pour se protéger et réduire le nombre de victimes, cela ne mettra pas fin à la menace. Car la principale motivation des djihadistes c'est de gagner leur entrée au paradis dans une mort violente», a expliqué Ryan Mauro, analyste au centre de réflexion Clarion Project.

«Si vous voulez arrêter les attaques, vous devez stopper les croyances qui conduisent à ces attaques», a-t-il ajouté.

Drapeaux en berne jusqu'à samedi

Le président américain Barack Obama a ordonné mardi de mettre en berne jusqu'à samedi soir les drapeaux américains, y compris celui de la Maison-Blanche, pour rendre hommage aux cinq militaires tués jeudi.

«Nos pensées et nos prières vont aux militaires tués la semaine dernière à Chattanooga. Nous honorons leur service. Nous présentons notre gratitude aux policiers et aux premiers secours qui ont stoppé le carnage et sauvé des vies», a dit M. Obama dans un communiqué.

En «signe de respect» pour les victimes, le président a ordonné que le drapeau des États-Unis soit mis en berne du mardi au samedi 25 juillet «à la Maison-Blanche et sur tous les bâtiments et lieux publics, ainsi que sur tous les postes militaires et bases navales» et toutes les ambassades à l'étranger.

Le président américain a également expliqué que le pays ne cèdera «pas à la peur». «Vous ne pouvez pas nous diviser. Et vous ne changerez pas notre mode de vie».