À tour de rôle, ils avaient fait le pèlerinage à New York pour rencontrer Donald Trump dans sa tour ou au restaurant, espérant obtenir son sceau d'approbation.

À l'évidence, les Mitt Romney, Newt Gingrich, Rick Perry et autres candidats républicains à l'élection présidentielle de 2012 ne s'offusquaient pas trop des propos les plus nauséabonds du promoteur immobilier et star de la téléréalité. Ils convoitaient tous ses nombreux admirateurs au sein de leur parti, qui jouissaient en l'entendant mettre en doute la naissance de Barack Obama sur le sol américain.

Opportuniste, démagogue, voire raciste, le Donald? Bah...

Et Mitt Romney, accompagné de sa femme Ann, avait cru bon de se rendre au Trump International Hotel de Las Vegas, en février 2012, pour recevoir en personne l'appui du maître de céans lors d'une conférence de presse surréaliste. Avec leurs sourires crispés, les Romney faisaient penser à ces otages qui doivent parader devant la caméra pour sauver leur peau.

Une campagne présidentielle plus tard, c'est l'ensemble du Parti républicain qui semble se trouver dans le rôle des Romney. Donald Trump a passé les quatre dernières semaines à traiter les immigrants clandestins venus du Mexique de trafiquants de drogue, de criminels et de violeurs. Plusieurs de ses partenaires d'affaires, dont NBC, Univision et Macy's, n'ont pas hésité à lui servir sa célèbre formule: «Tu es viré!»

Mais les adversaires républicains de Trump ont mis plus d'une semaine avant de réagir à ses propos xénophobes, formulés pour la première fois lors du lancement de sa campagne, le 16 juin. Marié à une Mexicaine d'origine, l'ancien gouverneur de Floride Jeb Bush a sans doute été le plus critique d'entre eux, affirmant que Trump «ne représente pas le Parti républicain». Fiou!

Mais le gouverneur du New Jersey, Chris Christie, a tenu à préciser que Trump était un «bon gars» et le sénateur du Texas, Ted Cruz, s'est dit d'accord avec lui sur l'immigration illégale. Quant au président du Comité national du Parti républicain, Reince Preibus, il a fait savoir au Washington Post qu'il avait demandé à Trump «de baisser le ton» lors d'une conversation téléphonique.

Conversation que Trump a interprétée à sa manière en affirmant que Preibus l'avait félicité pour ses performances dans les sondages. «Il m'a dit que j'avais vraiment touché une corde sensible», a-t-il dit au New York Times.

Au sommet des sondages

De fait, Donald Trump a suscité au sein d'une frange importante du Parti républicain une réaction enthousiaste qui lui a permis de se hisser au sommet des sondages et de faire salle comble samedi soir à Phoenix.

«La majorité silencieuse est de retour, et nous allons reprendre notre pays», a-t-il déclaré devant 4200 personnes entassées dans le palais des congrès local.

N'en déplaise à Donald Trump, peu de gens croient possible sa victoire dans la course à l'investiture républicaine pour la présidence. Pas moins de 58% des républicains disent qu'ils ne voteraient jamais pour lui, selon un sondage Washington Post/ABC News publié au début de juin. Mais les dirigeants du parti reconnaissent son potentiel destructeur. Après la défaite cinglante de Mitt Romney lors de l'élection présidentielle de 2012, ils avaient commandé un rapport dont l'une des conclusions demeure indiscutable: pour reconquérir la Maison-Blanche, les candidats républicains doivent tendre la main à l'électorat hispanique, dont le poids ne cesse de croître.

Et voilà que Donald Trump s'amène, exprimant en termes crus une hostilité aux immigrants clandestins partagée par une bonne partie de l'électorat républicain, qui s'oppose à toute régularisation de leur statut. Et il devrait avoir la chance d'en remettre à l'occasion d'un premier débat télévisé entre les candidats républicains, le 6 août à Cleveland. Les électeurs hispaniques ne seront sans doute pas les seuls à voir en lui le visage d'un certain Parti républicain.

Sur la même scène, plusieurs adversaires de Donald Trump seront contraints de jouer les équilibristes. Ils voudront dénoncer ses opinions tout en ménageant l'électorat qui y adhère. Ce jeu sera d'autant plus périlleux qu'ils devront s'assurer de ne pas trop provoquer l'électron libre. Car celui-ci n'a pas écarté la possibilité de faire campagne à la présidence comme indépendant, un scénario qui effraie les républicains les plus sérieux.

Mais ils n'auront qu'eux-mêmes à blâmer pour les torts encourus et à venir. Donald Trump, c'est un peu leur créature, celle à laquelle ils ont donné de la crédibilité en allant baiser son anneau en 2012 et en refusant de s'attaquer au problème de l'immigration illégale de façon rationnelle.