L'équipe d'Hillary Clinton n'aurait pas pu me guider vers une personne plus enthousiaste que Carrie McIndoe à propos de la candidature de la démocrate à la Maison-Blanche.

«S'il y a jamais eu un moment pour élire une femme à la présidence, je pense vraiment que c'est maintenant. Le temps est venu de laisser une femme essayer de diriger le pays», a déclaré cette enseignante new-yorkaise de 53 ans avant le discours prononcé par l'ancienne secrétaire d'État américaine samedi à Roosevelt Island, une île située sur l'East River, entre les arrondissements de Manhattan et de Queens.

«Hillary possède tous les atouts pour s'illustrer dans cette fonction: l'expérience, la résilience et la capacité de travail», a-t-elle ajouté.

Mais j'avais commis une faute. Une membre de l'équipe d'Hillary me l'a signalée alors que je cherchais, calepin en main, une autre personne à interviewer dans la foule massée devant une scène reproduisant le logo de la candidate (un grand H bleu barré d'une flèche rouge).

«Si vous voulez interviewer des gens, vous devez retourner à l'endroit réservé aux journalistes et demander à un préposé de vous accompagner», me dit la jeune femme vêtue d'un t-shirt sur lequel on pouvait lire le mot «staff» (personnel).

- Vous voulez dire que je dois être escorté pour pouvoir parler aux gens?

- Oui.»

C'était la première fois que je faisais face à pareille situation à l'occasion d'un rassemblement politique aux États-Unis. Et j'ai couvert toutes les campagnes présidentielles depuis celle de 1996, des primaires aux élections en passant par les conventions républicaines et démocrates.

Après avoir ravalé ma surprise, je suis retourné à l'endroit réservé aux journalistes sur cette pointe verdoyante de Roosevelt Island devenue en 2012 le Four Freedoms Park. Ce nom fait référence au célèbre discours sur l'état de l'Union prononcé en 1941 par Franklin Roosevelt. Le 32e président y avait présenté les «quatre libertés» dont les êtres humains devraient selon lui pouvoir jouir partout dans le monde.

«La première est la liberté de parole et d'expression - partout dans le monde», avait-il déclaré avant d'évoquer la liberté de religion, la liberté de vivre à l'abri du besoin et la liberté de vivre à l'abri de la peur.

Les libertés de FDR

Samedi, en lançant une nouvelle phase de sa campagne, Hillary Clinton s'est réclamée de FDR, saluant non seulement sa vision de la justice économique mais également son fameux discours de 1941.

«Les quatre libertés du président Roosevelt reflètent les aspirations incomparables de notre nation et constituent un rappel de notre travail inachevé ici et à l'étranger», a-t-elle déclaré sous un ciel ensoleillé.

Une collègue du site Daily Beast y est sans doute allée un peu fort en écrivant que «l'île d'Hillary» avait les allures d'un «petit État policier plaisant», samedi. Reste que le rendez-vous à Roosevelt Island semble avoir confirmé qu'Hillary Clinton n'a pas rompu avec l'approche prudente, voire timorée, qui a caractérisé son parcours politique depuis son élection au Sénat des États-Unis, en novembre 2000.

Ce rendez-vous devait être le premier grand rassemblement de la campagne présidentielle de la démocrate. Or, en choisissant de tenir l'événement à Roosevelt Island, l'un des endroits les moins accessibles de New York, l'équipe d'Hillary ne pouvait qu'attirer une foule modeste. Mission accomplie.

De toute évidence, l'objectif n'était pas de réunir le plus grand nombre de personnes possible, mais de produire un spectacle bien léché dans un cadre incomparable et avec juste ce qu'il faut de spectateurs agitant des petits drapeaux américains et scandant «Hillary! Hillary!»

Mission accomplie

Encore une fois, l'équipe de la candidate démocrate peut dire: mission accomplie.

Ce désir de tout contrôler s'est donc étendu aux échanges des journalistes avec les partisans de la candidate réunis au Four Freedoms Park. Les conseillers et stratèges d'Hillary Clinton ne seront peut-être pas les seuls, d'ici l'élection présidentielle de 2016, à vouloir éviter que les commentaires fâcheux ou stupides de partisans ne deviennent viraux sur YouTube, Facebook ou Twitter et éclipsent les déclarations des aspirants à la Maison-Blanche.

Mais leur prudence pourrait finir par coûter cher à la candidate démocrate. N'a-t-elle pas contribué à sa perte lors de sa première campagne présidentielle?