Le Nebraska est devenu mercredi le premier État conservateur à abolir la peine de mort aux États-Unis en plus de quarante ans, et, défiant un veto du gouverneur républicain, le 19e État sur 50 à remplacer le châtiment suprême par la prison à vie.

Sous les applaudissements et au-delà des clivages partisans, la chambre unique du Nebraska a renversé, par 30 voix contre 19, le veto du gouverneur Peter Ricketts, qui avait défendu bec et ongles le maintien de la peine capitale dans cet État du centre.

«Les mots ne suffisent pas pour dire combien je suis atterré par la perte d'un outil crucial de protection de la loi et des familles du Nebraska», a réagi le gouverneur, estimant que les parlementaires avaient «perdu de vue les citoyens» par ce vote.

Au terme de plus de deux heures de débat tendu, les élus ont confirmé, à quelques suffrages près, leurs deux votes précédents, des 17 avril et 20 mai, en faveur d'une loi qui abolit la peine de mort avec effet rétroactif et la remplace par la réclusion criminelle à perpétuité.

«Nous avons l'obligation de montrer le chemin, de montrer l'exemple à la société, le meurtre par l'État ne peut pas être valorisé, ne doit pas être sanctifié», a plaidé le parrain de la loi, Ernie Chambers, appelant «le Nebraska à entrer dans l'Histoire, du bon côté de l'Histoire».

Le Nebraska devient le 19e État américain sur 50, plus la capitale fédérale Washington, à en finir officiellement avec la peine capitale. Il s'agit du premier État à l'abolir depuis le Maryland en 2013, et le septième depuis 2007.

Cet État républicain n'a exécuté aucun condamné depuis 1997 et détient dix prisonniers dans son couloir de la mort, qui verront leur peine commuée en prison à vie. Un onzième est mort mardi d'un cancer après 30 ans de prison.

«Face au monde qui regarde, le Nebraska a donné de la voix dans une conversation nationale», s'est immédiatement félicitée Danielle Conrad, directrice de la puissante Union de défense des libertés (ACLU) du Nebraska. «En tant que Nation, nous nous détournons de la peine capitale et cette victoire témoigne de ce qui se peut se passer dans d'autres États».

En réalité, 29 Etats au total, ainsi que la capitale Washington et le gouvernement fédéral, n'utilisent plus le châtiment suprême: 19 l'ont aboli par la loi, 10 autres y ont renoncé de facto faute de produits pour exécuter ou en raison d'une multiplication des exécutions qui tournent mal.

Le Nebraska, microcosme américain

Dans les faits, 80% des exécutions ont été concentrées dans trois États en 2014: le Texas, le Missouri et la Floride. Et partout dans le pays, les condamnations à mort et les exécutions reculent.

«Le Nebraska est un microcosme de ce qui se passe à l'échelle du pays», a également observé la Coalition nationale pour l'abolition de la peine de mort (NCADP), sa directrice du Nebraska, Diann Rust-Tierney estimant que cette décision démontrait «encore plus clairement que la peine capitale est une habitude du passé».

Les 31 États qui disposent théoriquement de la peine de mort se heurtent à une pénurie des barbituriques d'injection létale: certains adoptent, dans le plus grand secret, de nouveaux produits non homologués ou retournent vers la chaise électrique, le peloton d'exécution ou l'inhalation d'azote.

«La peine de mort est arbitraire, discriminatoire, faillible, irrévocable, chère et inefficace», a aussi plaidé Theodore Simon, président de l'Association nationale des avocats de justice pénale (NACDL), applaudissant «le courage» du Nebraska qui se tient «à l'avant-garde d'un consensus bipartisan» pour en finir avec la peine capitale.

De fait, plusieurs élus du Nebraska ont souligné le «risque d'exécuter un innocent»: 153 prisonniers ont été innocentés du couloir de la mort depuis 1973, selon un décompte du Centre d'information sur la peine capitale.