La Cour suprême des États-Unis a relancé mercredi la controverse pour ou contre l'abolition de la peine de mort, lors d'un vif débat sur la constitutionnalité d'une méthode d'exécution par injection qui pourrait donner aux prisonniers «la sensation de brûler vif».

Plusieurs juges conservateurs ont d'emblée abattu leurs cartes lors d'une audience très forte sur l'avenir de la peine capitale dans le seul pays occidental qui l'utilise.

Ils ont sévèrement accusé la «guérilla» abolitionniste d'avoir provoqué une pénurie de barbituriques qui les amène aujourd'hui à statuer sur l'injection létale, la première méthode d'exécution aux États-Unis.

En sept ans, la plus haute juridiction n'avait pas abordé la question. Mais le paysage américain a changé: 18 États (sur 50) et la capitale Washington ont aboli la peine de mort sur un total de 29 qui ne l'utilisent plus.

Stricto sensu, la question que se pose la haute Cour porte sur la constitutionnalité du midazolam, un anxiolytique utilisé avec l'intention de rendre le condamné inconscient avant l'administration du produit mortel.

Trois condamnés à mort de l'Oklahoma arguent que le produit crée «un risque substantiel» ou «objectivement intolérable de souffrances» interdit par le 8e Amendement de la Constitution, qui proscrit toute «punition cruelle et inhabituelle».

Mais le juge ultraconservateur Antonin Scalia a accusé sans détour «les abolitionnistes d'avoir rendu les produits indisponibles» pour conduire les exécutions sans douleur.

«Est-il justifié que la justice accorde du temps à ce qui relève d'une guérilla contre la peine capitale qui consiste à déployer des efforts pour empêcher les États d'obtenir des produits qui pourraient être utilisés pour exécuter avec peu ou pas de souffrances?», a demandé son confrère Samuel Alito.

«Y a-t-il une raison pour laquelle les États se sont progressivement tournés vers d'autres méthodes (...) comme la pendaison, le peloton d'exécution, la chaise électrique, la chambre à gaz», s'est aussi interrogé le président de la haute Cour, réclamant avec insistance à l'avocate des prisonniers de dire si elle jugeait ces méthodes «préférables et plus humaines».

L'Utah a choisi le peloton d'exécution, le Tennessee la chaise électrique, et l'Oklahoma a opté pour l'inhalation d'azote en cas d'impossibilité de s'approvisionner ou d'inconstitutionnalité de l'injection létale.

Peut-être est-ce «toute la question», a alors tranché le juge Stephen Breyer. «S'il n'y a pas de méthode pour exécuter une personne sans souffrance inacceptable, cela pourrait montrer que la peine capitale n'est pas compatible avec le 8e Amendement», a ajouté le juge qui, avec ses trois collègues progressistes, s'est efforcé de ramener le débat sur le midazolam.

«Il y a un risque constitutionnellement inacceptable de souffrances», a-t-il argué.

Le midazolam, sans effet anesthésiant certain, conduit à «donner la sensation de brûler vif», «de l'intérieur», a ajouté la juge Elena Kagan.

«Mon corps est en feu»

En avril 2008, dans sa décision «Baze v. Rees», la Cour avait jugé l'injection mortelle conforme au 8e Amendement.

Mais, depuis, les barbituriques utilisés ont changé après le refus de laboratoires pharmaceutiques --principalement européens-- de fournir leurs produits à des fins d'exécution. Chaque État se tourne vers de nouveaux produits et des pharmacies non agréées.

Dans ce climat, plusieurs exécutions apparemment accompagnées de souffrances ont eu lieu.

Le 16 janvier 2014, Dennis McGuire est mort au bout de 26 minutes après avoir visiblement suffoqué. Le 29 avril, en Oklahoma, Clayton Lockett a succombé au bout de 43 minutes de râles et gémissements. Le 23 juillet, Joseph Wood en Arizona (sud-ouest) a péri 117 minutes après l'injection, contre une dizaine de minutes habituellement.

Et Charles Warner, un des plaignants de cette affaire, a été exécuté en janvier 2015 malgré l'opposition de quatre des neuf juges suprêmes. Sur la table d'exécution, il a dit: «Mon corps est en feu».

La juge Sonia Sotomayor, qui avait voté pour arrêter l'exécution de Warner, s'est dite «profondément perturbée» par le fait que le midazolam n'ait jamais été homologué comme anesthésiant. «La réalité est que personne ne sait», a renchéri la juge Kagan, «pensez-vous que cette incertitude soit une violation du 8e Amendement?»

La décision, attendue fin juin, demeure très incertaine tant le juge Anthony Kennedy détient à nouveau les clés du vote. S'il a montré un certain agacement face aux arguties judiciaires des abolitionnistes, il n'a pas dévoilé sa position.