Face à une sécheresse historique, la Californie a annoncé mercredi des mesures d'urgence pour réduire de 25% la consommation d'eau, qui vont forcer les citoyens ordinaires, mais aussi les agriculteurs et institutions à réduire le gaspillage.

«En raison de la plus faible accumulation de neige jamais enregistrée et alors que la fin de la sécheresse», la pire jamais observée selon les scientifiques, «n'est pas en vue, le gouverneur Jerry Brown a annoncé (mercredi) des mesures d'économie d'eau pour limiter le gaspillage (...) et investir dans de nouvelles technologies pour mieux préparer la Californie à faire face à la sécheresse», explique un communiqué publié mercredi.

«Cette sécheresse historique demande des mesures sans précédent», a-t-il insisté.

Le département californien des ressources en eau a notamment déclaré mercredi qu'il n'avait pas trouvé de neige au 1er avril à 2000 mètres dans les montagnes de la Sierra Nevada, une première en 75 ans.

La sécheresse catastrophique qui touche l'ouest des États-Unis met à rude épreuve les nappes d'eau souterraines et menace l'approvisionnement en eau dans cette région où vivent 40 millions de personnes.

Parmi les mesures annoncées mercredi, la Californie va demander le remplacement de 4,6 millions de mètres carrés de pelouse par des plantes peu consommatrices d'eau comme les cactus, les agaves ou les plantes succulentes.

La Cité des Anges avait déjà instauré des mesures d'incitation, comme le programme «pelouse contre dollars», mais sur la base du volontariat.

Jerry Brown a par ailleurs ordonné la création d'un programme de rabais pour remplacer les vieilles installations d'eau et d'électricité par des modèles et technologies plus économes, notamment les goutte-à-goutte qui libèrent l'eau directement à la racine des plantes.

L'agriculture dans le viseur

Les «normes des toilettes et robinets» vont être revues pour limiter le débit d'eau, et les récalcitrants qui continuent à arroser leur pelouse tous les jours, et à en déverser la moitié dans le caniveau au mépris de limitations déjà mises en place pourraient se voir sanctionnés.

Une «police de l'eau» visant plus la sensibilisation que les sanctions était déjà en place, mais elle pourrait devenir plus sévère.

Les pelouses grillées devraient se multiplier notamment à travers les campus, golfs, cimetières et autres lieux publics californiens, désormais contraints de réduire de façon drastique leurs arrosages.

Jerry Brown demande par ailleurs aux agences de distribution d'eau de modifier leurs structures de tarifs pour «décourager le gaspillage».

Les experts estiment ainsi qu'une tarification qui décourage l'arrosage aux heures les plus ensoleillées, quand l'eau s'évapore au lieu de pénétrer la terre, ou qui pénalise la consommation «extérieure» (pelouses, piscines...) par rapport à la consommation «intérieure» (cuisine, douches, bains, lessives) peut s'avérer efficace pour réduire la consommation.

Les agriculteurs dans cet État qualifié de «panier de fruits et légumes» de l'Amérique, souvent accusés d'arroser et de pomper dans les nappes phréatiques de manière inconséquente, vont aussi devoir se restreindre. Un sujet tendu au vu des milliards de dollars de revenus agricoles et des milliers d'emplois en jeu dans cette industrie.

Les agriculteurs, «qui ont déjà payé le plus lourd tribut à la sécheresse jusqu'à présent, avec des milliers d'hectares en jachère, des quantités d'eau disponibles déjà largement réduites et des milliers d'employés déjà licenciés, vont devoir déclarer plus régulièrement les quantités d'eau qu'ils utilisent, afin de lutter contre les» abus et «utilisations illégales ou déraisonnables».

Pour Tim Krantz, professeur de sciences de l'environnement à l'université de Redlands, «l'agriculture est largement le plus gros consommateur d'eau, et certaines variétés ne devraient plus être cultivées comme le riz, d'autres réduites, comme la luzerne».

À l'inverse, des variétés peu gourmandes en eau comme le jatropha, avec lequel on peut produire des biocarburants, devraient être développées, estime-t-il.

Globalement, Tim Krantz juge toutes ces mesures «bonnes et nécessaires», mais il s'interroge sur la manière dont «les villes vont concrètement légiférer» pour les faire appliquer.

Il déplore aussi que l'industrie pétrolière et notamment de la fracturation hydraulique, énorme consommatrice d'eau, ne soit pas visée par les mesures d'urgence.