De toute évidence, la patience n'est pas la vertu préférée de Ted Cruz. Assermenté au poste de sénateur du Texas en janvier 2013, quelques jours seulement après avoir célébré ses 43 ans, ce héraut du Tea Party parcourait déjà l'Iowa l'été suivant pour jauger ses appuis en prévision d'une campagne éventuelle à la présidence des États-Unis.

Et il confirmera aujourd'hui sa réputation d'homme pressé. Sautant une étape habituelle - la formation d'un «comité exploratoire» présidentiel -, Ted Cruz deviendra le premier politicien d'envergure, tous partis confondus, à déclarer officiellement sa candidature à la succession de Barack Obama. Il fera cette annonce à l'occasion d'un discours à la Liberty University, établissement de Virginie fondé par le pasteur télévangéliste Jerry Falwell, mort en 2007.

Ted Cruz n'a pas choisi cet endroit au hasard. Déjà populaire auprès des militants du mouvement populiste et ultraconservateur Tea Party, il profitera de son passage dans la plus grande université chrétienne des États-Unis pour courtiser les électeurs évangéliques, dont le vote sera crucial pour la course à l'investiture républicaine. Il sera sûrement accompagné des membres de sa famille, dont son père Rafael, devenu pasteur.

Entendons-nous: les chances de Ted Cruz de devenir le candidat républicain à l'élection présidentielle de 2016 demeurent relativement faibles. L'homme ne s'est pas fait d'amis parmi ses collègues républicains du Sénat en orchestrant notamment une croisade vaine contre l'Obamacare qui a entraîné la fermeture partielle du gouvernement, à l'automne 2013. Cette opération ne l'a pas grandi non plus aux yeux de l'establishment de son parti, qui sera plus enclin à appuyer les Jeb Bush, Scott Walker ou Marco Rubio, les candidats virtuels les plus sérieux à l'investiture républicaine.

Mais il y a une raison pour laquelle le mot «missile» accompagne souvent le nom de Ted Cruz. L'homme aime larguer des bombes verbales. Barack Obama est évidemment sa cible préférée. À ses yeux, le président démocrate est un «empereur» qui piétine la Constitution américaine et un «apologiste» du terrorisme islamique, entre autres.

Mais Ted Cruz s'attaque aussi aux siens, y compris aux chefs de file républicains au Congrès et aux candidats passés du parti à la présidence. «Il y a plusieurs personnes à Washington qui soutiennent que les républicains doivent choisir un candidat du "centre mou" pour gagner», a-t-il déclaré en janvier sur Fox News.

«Nous avons déjà essayé ça. Chaque fois que nous choisissons un candidat du centre, que ce soit Gerald Ford, Bob Dole, John McCain ou Mitt Romney, le résultat est toujours le même: nous perdons», a-t-il ajouté en se plaçant plutôt dans la lignée de Ronald Reagan.

On devine que Ted Cruz ajoutera bientôt le nom de Jeb Bush parmi la liste des candidats du «centre mou». Il a d'ailleurs déjà dénoncé les positions de l'ancien gouverneur de Floride en matière d'immigration et d'éducation. Bon nombre de militants conservateurs devraient se montrer réceptifs aux critiques du sénateur du Texas, qui sait peut-être exprimer mieux que quiconque leur mépris à l'égard de Washington et de l'establishment républicain.

Cruz comparé à Obama

Bien sûr, les adversaires potentiels de Ted Cruz ont déjà commencé à lui donner la réplique. Ainsi, l'ancien gouverneur du Texas Rick Perry, qui songe à briguer de nouveau la présidence, a récemment attaqué le sénateur de son État en le comparant à... Barack Obama!

«Je pense que le peuple américain effectuera un changement radical en répudiant un jeune sénateur qui n'a pas été mis à l'épreuve et dont les politiques ont échoué», a-t-il déclaré au Washington Post.

Rick Perry aurait également pu rappeler que Cruz a décroché son diplôme de droit à Harvard et s'est intéressé au droit constitutionnel, tout comme Barack Obama.

Reste à voir si ses adversaires tenteront aussi de mettre en cause l'éligibilité à la présidence de Ted Cruz, qui a vu le jour à Calgary, au Canada. Le sénateur a déjà fait valoir qu'il est bel et bien citoyen américain de naissance, comme le président doit l'être selon la Constitution, puisqu'il a été mis au monde par une mère née au Delaware (son père est originaire de Cuba). Son lieu de naissance n'a aucune incidence sur son aptitude légale à devenir président, comme l'admettent la plupart des experts.

Ted Cruz a néanmoins renoncé à sa citoyenneté canadienne en mai 2014, histoire de ne laisser aucun doute sur l'exclusivité de sa loyauté aux États-Unis, où il vit depuis l'âge de 4 ans.

Stephen Harper peut cependant compter sur son appui ardent dans le dossier Keystone XL.