Les États-Unis ont averti jeudi qu'ils allaient réévaluer leur position vis-à-vis d'Israël à l'ONU, où ils lui apportent traditionnellement un soutien indéfectible, au moment même où le premier ministre Benjamin Nétanyahou assurait n'être pas opposé à une solution à deux États.

Un éventuel changement de position de Washington au Conseil de sécurité de l'ONU constituerait une rupture majeure et pourrait permettre l'adoption d'une résolution sur une solution à deux États le long des frontières d'avant 1967.

Les dernières déclarations de M. Nétanyahou, qui vont à l'encontre de celles faites à la veille des élections législatives, n'ont cependant pas convaincu les Palestiniens qui ont répété jeudi leur détermination à poursuivre leur offensive diplomatique et à rompre la coopération sécuritaire avec l'État hébreu.

Le président américain Barack Obama a appelé M. Nétanyahou, quasi assuré de former le prochain gouvernement en Israël, pour certes le féliciter de la victoire de son parti mardi, mais aussi réaffirmer avec force son attachement à une solution à deux États.

Selon un responsable américain s'exprimant sous couvert d'anonymat, il lui a aussi indiqué que les États-Unis allaient réévaluer leur position sur le dossier israélo-palestinien après sa remise en cause de cette solution à deux États.

Selon la même source, M. Obama, qui entretient des relations notoirement difficiles avec M. Nétanyahou, a également évoqué avec le premier ministre israélien ses propos sur les Arabes israéliens le jour du vote qui ont été vivement condamnés par la Maison-Blanche.

Quelques heures plus tôt, Josh Earnest, porte-parole de l'exécutif américain, avait clairement indiqué que les décisions prises par les États-Unis à l'ONU étaient basées sur ce «socle» et que Washington se voyait dans l'obligation de revoir sa position. «Aucune décision» n'a été prise à ce stade, a-t-il cependant souligné.

Après avoir mis à mal les relations avec le grand allié américain en défiant le président Obama à la tribune du Congrès à Washington, M. Nétanyahou, au pouvoir depuis 2009, a tenté l'apaisement, affirmant sur NBC qu'il ne voyait «aucune alternative à la coopération» avec les États-Unis. «Nous travaillerons ensemble», a-t-il assuré.

Il a par ailleurs plaidé pour «la paix», exhortant les dirigeants palestiniens à «abandonner leur pacte» avec le Hamas qui contrôle toujours la bande de Gaza.

«Suspension de la coopération sécuritaire»

Pour revenir à la table des négociations, les Palestiniens devront reconnaître Israël comme un «État juif» et assurer «une vraie sécurité afin d'avoir une solution à deux États qui soit réaliste», a-t-il encore dit, après avoir enterré lundi, à la veille du scrutin, l'idée de la création d'un État palestinien sous son mandat.

Les Palestiniens rejettent de longue date la première condition et la seconde est l'objet de toutes les spéculations alors que la direction palestinienne a entamé jeudi les préparatifs d'une mesure potentiellement explosive: la rupture de la coopération sécuritaire entre l'Autorité palestinienne et Israël.

L'une des grandes inquiétudes devant la fin de cette coopération est une déstabilisation sécuritaire de la Cisjordanie et en réponse une extension de l'occupation militaire israélienne.

Le Comité exécutif de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP) s'est donné deux semaines pour mettre en place la fin de cette coopération. «Aujourd'hui, nous lançons le mécanisme pour mettre en place la suspension de toute coopération sécuritaire», a expliqué à l'AFP Mustapha Bargouti, membre de ce comité. «Nous n'acceptons pas que l'Autorité joue le supplétif d'Israël qui refuse d'accorder leur liberté et un État indépendant aux Palestiniens», a-t-il ajouté.

Et parce que «le gouvernement israélien ne veut pas sérieusement d'une solution politique menant à l'instauration de deux États», le président Mahmoud Abbas a réaffirmé sa volonté de retourner devant les instances diplomatiques et judiciaires internationales pour obtenir l'Etat auquel les Palestiniens aspirent depuis 1948 et la création d'Israël.

L'une de ces instances est la Cour pénale internationale (CPI) devant laquelle les Palestiniens entendent déposer leurs premières accusations de dirigeants israéliens pour «crime de guerre» dès le 1er avril.

«Il ne faut pas y voir une réaction aux résultats des élections israéliennes», a assuré le négociateur en chef palestinien Saëb Erakat. Pourtant, la surenchère électorale à laquelle s'est livré M. Nétanyahou --écartant l'idée d'un État palestinien et mettant en garde contre le «danger» d'un vote massif des Arabes-Israéliens-- a attisé la colère des Palestiniens, qui se disent plus déterminés que jamais à internationaliser leur cause.

M. Nétanyahou n'a pas encore été officiellement chargé par le président israélien Reuven Rivlin de former son troisième gouvernement consécutif qu'il est déjà confronté aux conséquences de cette escalade, qui passe pour avoir fortement contribué à son éclatante victoire électorale.

Les résultats quasiment définitifs des élections ont confirmé la large victoire de M. Nétanyahou et une majorité potentielle de droite de 67 sièges sur 120, selon la commission électorale.