Devant la justice au Texas comme au Congrès à Washington, la bataille fait rage : Barack Obama, qui avait décidé d'agir seul sur l'immigration, se retrouve face à des adversaires républicains déterminés à bloquer les millions de régularisations annoncées.

Le président américain, qui se rend mercredi à Miami en Floride, pour défendre son plan, assure avoir «le droit» et «l'histoire» de son côté.

Mais la guérilla parlementaire prend une tournure délicate et l'issue du combat devant la justice, qui pourrait remonter jusqu'à la Cour suprême, s'annonce incertaine.

Pour les quelque 11 millions de personnes, dont une grande partie de Mexicains, qui vivent et travaillent clandestinement aux États-Unis, cette phase qui s'ouvre est d'abord synonyme d'incertitude.

Pour M. Obama, qui avait fait de la réforme du système d'immigration une des principales promesses de campagne dès 2008, l'enjeu est de taille à moins de deux ans de son départ de la Maison-Blanche.

Mi-novembre, il a présenté - sans passer par le Congrès - une série de décrets offrant une perspective de régularisation à quelque 5 millions de personnes en situation irrégulière. Mesure phare : tout clandestin vivant depuis plus de cinq ans aux États-Unis, et ayant un enfant américain ou titulaire d'un statut de résident permanent, doit pouvoir demander un permis de travail de trois ans.

Mais il y a une semaine, un juge fédéral du Texas, a ordonné la suspension temporaire de ce plan de régularisation. La Maison-Blanche a annoncé qu'elle ferait appel et demandé que la décision du juge du tribunal de Brownsville ne s'applique pas tant que le dossier n'aura pas été examiné sur le fond.

Mark Krikorian, directeur du Center for Immigration Studies, groupe de réflexion qui plaide pour un renforcement des contrôles aux frontières, met cependant en garde contre la tentation de lancer des régularisations avant que tous les recours n'aient été examinés.

«Le processus est, de facto, irréversible», explique-t-il à l'AFP, soulignant qu'un permis de travail accordé à un clandestin ne lui sera jamais retiré a posteriori. «Le dossier doit remonter jusqu'à la Cour suprême, car cela touche à la question fondamentale de séparation des pouvoirs», ajoute-t-il, se faisant écho de nombreux élus républicains qui estiment que M. Obama a outrepassé ses pouvoirs sur ce dossier sensible.

Partie de bras de fer

Parallèlement, les républicains, désormais majoritaires au Congrès, ont déployé l'artillerie lourde : ils ont engagé un bras de fer sur la loi de financement du département de la Sécurité intérieure, dont dépendent en particulier les services d'immigration.

La loi qu'ils ont rédigée inclut plusieurs amendements qui annuleraient, faute de moyens, le plan de régularisations annoncé à l'automne par M. Obama. Sans surprise, les démocrates du Sénat font obstruction contre ce texte.

Pour l'heure, l'impasse est totale. Or si aucun document n'est adopté d'ici vendredi, le financement de ce ministère crucial ne sera plus assuré. Un jeu de poker menteur dont Washington a le secret s'est engagé, chaque camp tentant d'évaluer qui serait le plus touché politiquement en cas de blocage.

Citant en particulier l'urgence liée à la menace terroriste, le ministre de la Sécurité intérieure Jeh Johnson a jugé la situation «absurde».

«Si le Congrès ne bouge pas, dans une semaine, plus de 100 000 employés - chargés des contrôles aux frontières, des inspections dans les ports ou de la sécurité des transports - devront aller travailler sans être payés», a mis en garde lundi M. Obama, jugeant qu'il était irresponsable «de faire de la politique sur le dos de la sécurité nationale».

Pour Ivan Reyes, 34 ans, en situation irrégulière depuis son arrivée du Mexique à l'âge de 10 ans, ce nouvel affrontement entre démocrates et républicains à Washington sonne comme une énième déception.

«J'avais l'intention de faire la démarche (de régularisation) et le processus est arrêté», raconte-t-il, très déçu. «À chaque fois que l'on est sur le point d'obtenir quelque chose, un nouvel obstacle se dresse», ajoute-t-il.

«Ce serait bien, un jour, de ne plus vivre dans l'inquiétude du lendemain».