Le meurtre de trois étudiants américains musulmans, assassinés par un homme hostile aux religions mardi à Chapel Hill, dans le sud-est des États-Unis, est «brutal et atroce», a condamné vendredi le président américain Barack Obama.

«Aux États-Unis, personne ne devrait jamais être pris pour cible en raison de ce qu'il est, de son apparence ou de sa croyance», a déclaré le président américain dans un communiqué de la Maison-Blanche.

C'est la première fois que M. Obama réagissait publiquement à ce triple meurtre, dont les motifs sont encore flous.

Le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon s'est dit, lui, «profondément touché» par les manifestations de deuil aux États-Unis et dans le monde et a adressé «ses plus sincères condoléances» aux familles des victimes et «aux communautés dans lesquelles ils vivaient», selon son porte-parole Stéphane Dujarric.

Par ailleurs, la diplomatie américaine n'a guère apprécié les critiques du président turc Recep Tayyip Erdogan qui avait dénoncé jeudi le silence du président Obama à propos de ce triple meurtre.

En visite officielle au Mexique, le président turc islamo-conservateur avait regretté que «ni Obama ni le secrétaire d'Etat (John) Kerry n'(aient) fait de déclaration».

Interrogée pour savoir si elle «rejetait les critiques» formulées par le chef de l'État turc, la porte-parole de la diplomatie américaine Jennifer Psaki a répondu «exact», mais sans aller plus loin.

La police n'a pas encore déterminé si les victimes, Yusor Abou-Salha, Razan Abou-Salha et le mari de Yusor, Deah Shaddy Barakat, ont été tuées à cause de leur religion ou suite à une querelle de voisinage.

Dans un communiqué publié vendredi, l'ambassade de Jordanie à Washington a précisé que les soeurs Razan et Yusor Abou-Salha avaient la double nationalité américano-jordanienne.

«Yusor Abou-Salha, 21 ans, a émigré avec sa famille de Jordanie vers les États-Unis quand elle avait 6 mois. Sa soeur Razan, 19 ans, est née aux États-Unis», explique l'ambassade.

Plusieurs milliers de personnes ont assisté jeudi aux funérailles des trois jeunes gens.

«Comme nous l'avons vu avec la présence de tant de personnes aux funérailles de ces jeunes Américains, nous formons tous une seule et même famille américaine», a encore indiqué Barack Obama.

L'auteur présumé du triple meurtre, Craig Stephen Hicks, 46 ans, s'est rendu à la police après la fusillade et a été écroué. Il est poursuivi pour assassinat et risque la peine de mort ou la prison à perpétuité.

Le FBI, police fédérale, va aussi enquêter et déterminer avec le parquet s'il s'agit d'un «crime de haine», selon le ministre de la Justice, Eric Holder.

Deah Barakat était étudiant en deuxième année à la faculté dentaire de l'université de Caroline du Nord et avait créé un fonds destiné à fournir des soins dentaires aux réfugiés syriens en Turquie.

Il s'était fixé l'objectif de réunir 20 000 dollars par le biais du site de financement participatif YouCaring.com, avec la Syrian American Medical Society (SAMS).

Mais vendredi, le fonds a atteint près de 330 000 dollars.

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De gauche à droite: Deah Shaddy Barakat, 23 ans, sa femme Yusor Abu-Salha, 21 ans, et la soeur de celle-ci, Razan Abu-Salha, 19 ans.

Un suspect lourdement armé

Le suspect qui aurait abattu les trois étudiants possédait un nombre impressionnant d'armes. Lors d'une perquisition dans la résidence de l'homme de 46 ans, les enquêteurs ont retrouvé au moins une douzaine d'armes à feu.

L'inventaire des recherches qui a été dévoilé vendredi indique que Craig Stephen Hicks avait quatre pistolets qu'il partageait avec sa femme, en plus d'un autre qu'il transportait avec lui lorsqu'il s'est livré aux autorités, une heure après le drame. Les enquêteurs ont aussi retrouvé dans le condominium de Chapel Hill deux fusils de chasse et quatre carabines. Le suspect avait aussi plusieurs munitions en réserve.

Huit douilles usagées ont été découvertes dans un appartement voisin, où gisaient les corps inanimés de Deah Shaddy Barakat, âgé de 23 ans, et de son épouse Yusor Mohammad Abu-Salha, âgée de 21 ans. La soeur de Mme Abu-Salha, 19 ans, a aussi été retrouvée morte sur la scène du crime.

Des proches ont indiqué que les victimes avaient été tuées d'une balle dans la tête, mais les autorités ne l'ont pas confirmé.

Les policiers de Chapel Hill ont indiqué qu'ils n'avaient aucune preuve, pour l'instant, que Hicks aurait commis son geste par haine religieuse. Ils ont précisé que les places de stationnement faisaient l'objet de nombreuses querelles entre les voisins du quartier des victimes et du suspect.

Les membres de la famille des victimes réclament que des accusations de crime haineux soient déposées contre le tireur. Les experts du domaine juridique estiment toutefois que de tels cas sont rares puisqu'ils sont difficiles à prouver. Il faudrait démontrer que Hicks aurait ciblé, hors de tout doute, les jeunes en raison de leur religion, de leur ethnie ou de leur origine.

- Michael Biesecker et Jonathan Drew, THE ASSOCIATED PRESS (RALEIGH, N.C.)