«Vous n'êtes pas Eric Holder, n'est-ce pas?»

La question, adressée à Loretta Lynch, illustre l'animosité du sénateur du Texas John Cornyn - et de ses collègues républicains - à l'égard d'Eric Holder, le ministre américain de la Justice auquel la procureure fédérale du district Est de New York veut succéder.

«Non, je ne le suis pas», a répondu hier la juriste de 55 ans lors d'une audition devant la commission des affaires judiciaires du Sénat, où les républicains sont désormais majoritaires. «Je serai moi-même. Je serai Loretta Lynch.»

Mais d'abord, l'intéressée devra accomplir une mission périlleuse: convaincre un nombre suffisant de sénateurs républicains de lui permettre de remplacer leur bête noire, Eric Holder, sans toutefois renier les politiques les plus controversées de celui qui l'a nommée à ce poste, Barack Obama.

Si elle parvient à obtenir l'appui d'une majorité des membres de la commission des affaires judiciaires, dans un premier temps, et de l'ensemble du Sénat, dans un second temps, elle deviendra la première femme noire à diriger le ministère de la Justice.

D'entrée, Loretta Lynch a dû défendre la légalité d'une mesure du président Obama qui hérisse les républicains: la régularisation temporaire de millions de clandestins. Annoncée en novembre, cette mesure s'appuie notamment sur des avis juridiques rédigés par le ministère d'Eric Holder.

«Je ne vois aucune raison de douter du caractère raisonnable de ces avis», a déclaré la procureure fédérale en réponse à une question du président de la commission, le sénateur républicain de l'Iowa Charles Grassley.

Plusieurs sénateurs républicains ont indiqué que leur vote pour Loretta Lynch dépendait de sa position sur les décrets présidentiels en matière d'immigration. Pour franchir la première étape de sa confirmation, la candidate de Barack Obama doit obtenir l'appui d'au moins trois sénateurs républicains de la commission des affaires judiciaires (sur une possibilité de 11).

Les démocrates estiment que les sénateurs Lindsey Graham (Caroline-du-Sud), Orrin Hatch (Utah) et Jeff Flake (Arizona) sont les plus susceptibles de recommander la confirmation de Loretta Lynch.

«Sur papier, elle est un bon choix, et je l'aime sur un plan personnel, mais elle devra répondre à des questions difficiles», a déclaré le sénateur Graham.

Née en Caroline-du-Nord d'une mère bibliothécaire et d'un père pasteur baptiste, Loretta Lynch occupe le poste de procureure fédérale du district Est de New York depuis 2010 (elle avait occupé la même fonction entre 1999 et 2001 sous la présidence de Bill Clinton). À ce titre, elle a supervisé les affaires pénales de Brooklyn, Staten Island, Queens et Long Island. Réputée pour sa ténacité et son indépendance, elle est intervenue dans plusieurs cas de terrorisme.

Dans sa déclaration liminaire, elle a semblé vouloir se démarquer d'Eric Holder, à qui les républicains ont reproché d'avoir politisé le rôle de ministre de la Justice avec des prises de position controversées sur les armes à feu, les droits civiques et les relations raciales, entre autres.

«Je suis impatiente d'établir une relation nouvelle et améliorée avec cette commission, le Sénat des États-Unis et l'ensemble du Congrès américain - une relation fondée sur un respect mutuel et un équilibre constitutionnel», a-t-elle déclaré avant de répondre aux questions des sénateurs.

Les programmes de surveillance du gouvernement, le mariage homosexuel et la peine de mort ont également fait partie des questions soulevées par les sénateurs.

EN CINQ DATES

1959: naissance à Greensboro, en Caroline-du-Nord

1984: diplômée de l'école de droit de l'Université Harvard

1999: procureure fédérale du district Est de New York

2002: conseillère spéciale du procureur du Tribunal pénal pour le Rwanda

2010: procureure fédérale du district Est de New York