L'administration américaine accélère depuis quelques mois le transfert de détenus hors de Guantánamo, ce qui rend plus plausible la fermeture du centre de détention.

Le président Barack Obama, qui avait fait de cette fermeture l'une des principales promesses de sa campagne électorale en vue de l'élection de 2008, a replacé cet objectif à l'ordre du jour, au dire des organisations de défense des droits de la personne.

«C'est clairement une priorité maintenant. L'administration sait qu'il ne lui reste pas beaucoup de temps pour procéder», a souligné en entrevue Laura Pitter, spécialiste des questions de contreterrorisme à Human Rights Watch.

«Le processus était bloqué depuis très longtemps, et c'était très frustrant de ne pas pouvoir faire bouger les choses», a-t-elle précisé.

Christopher Anders, juriste à l'American Civil Liberties Union (ACLU), note de son côté que le nombre de détenus n'avait pratiquement pas changé de 2009 à 2013, même si le président avait ordonné que la prison soit fermée au plus tard un an après son entrée en fonction.

«Il y a eu des efforts pendant les premiers mois pour y parvenir, mais, ensuite, la promesse a été pratiquement abandonnée», a-t-il déclaré.

Une importante grève de la faim, en 2013, a ramené le dossier à l'avant-plan et contribué à la relance des efforts pour transférer les détenus qui ne représentent pas de risque pour la sécurité des États-Unis, a relevé M. Anders.

Il reste aujourd'hui 127 prisonniers à Guantánamo, dont une soixantaine ont vu leur transfert approuvé parce qu'ils sont considérés comme inoffensifs.

Selon le New York Times, deux autres groupes doivent être transférés prochainement, ce qui fera baisser d'autant le taux d'occupation de la prison - et augmenter en proportion le coût moyen de détention des prisonniers restants. Tant Mme Pitter que M. Anders sont d'avis que cela va donner des arguments additionnels aux détracteurs de Guantánamo.

«Chaque prisonnier coûte environ 3 millions de dollars par année. C'est déjà 10 fois plus que ce que ça coûte dans une prison fédérale à sécurité maximale», souligne le représentant de l'ACLU.

Selon lui, le récent départ du secrétaire à la Défense, Chuck Hagel, qui se montrait apparemment réticent à autoriser les transferts, devrait les faciliter.

«Il semble qu'il s'asseyait sur les demandes d'approbation au lieu de les signer. C'est une des raisons pour lesquelles il a dû quitter son poste», relève M. Anders.

L'administration a par ailleurs dû se plier pendant plusieurs années aux contraintes sécuritaires imposées par le Congrès américain, qui exigeait des assurances sur le suivi des prisonniers avant leur transfert.

Ces exigences ont été allégées l'année dernière sans pour autant se traduire par une diminution marquée du nombre de prisonniers, note Mme Pitter.

La situation était compliquée plus encore par le fait que de nombreux détenus étaient yéménites. L'instabilité marquée de la situation dans leur pays d'origine compliquait leur retour, si bien que l'administration a décidé récemment de faire appel à des pays tiers.

En novembre, quatre Yéménites ont été envoyés en Géorgie et trois au Kazakhstan.

Selon M. Anders, le président américain intervient maintenant personnellement pour que des pays acceptent des détenus.

L'administration devra aussi décider ce qu'elle fera des prisonniers connus, comme Khalid Cheick Mohammed, le cerveau présumé des attentats du 11 septembre 2001.

Les organisations de défense des droits de la personne pensent que les détenus de Guantánamo contre lesquels les États-Unis ont des preuves sérieuses devraient être jugés en cour fédérale, en sol américain. Or, le Congrès interdit pour l'heure un tel transfert.

Selon Mme Pitter, les commissions militaires mises sur pied à Guantánamo pour juger les détenus sont viciées et ne permettent pas la tenue de procès équitables et crédibles.

«Seule une poignée de détenus ont été jugés par ces commissions, et les autres attendent. Que ce soit à Guantánamo ou en sol américain, la détention indéfinie sans procès est une violation du droit international», a-t-elle rappelé.