Barack Obama a modéré le ton dans l'affaire du piratage informatique contre Sony Pictures dont est accusé Pyongyang, tout en indiquant que Washington allait étudier la possibilité de placer à nouveau la Corée du Nord sur la liste des États soutenant le terrorisme.

«Non, je ne pense pas que cela ait été un acte de guerre. Je pense que c'était un acte de cybervandalisme qui a été très coûteux», a déclaré le président Obama, dans un entretien diffusé dimanche par CNN, mais réalisé vendredi avant son départ pour Hawaï en vacances.

«Nous le prenons très au sérieux et notre réponse sera proportionnée», a ajouté le président.

Sans directement lier ses propos au piratage, Barack Obama a néanmoins indiqué que les États-Unis allaient étudier la possibilité de remettre la Corée du Nord sur leur liste des États soutenant le terrorisme, dont elle a été retirée en 2008.

La décision américaine de retrait de la liste avait été prise après que Pyongyang ait promis d'ouvrir ses installations nucléaires aux inspecteurs internationaux.

«Nous allons procéder à un examen par le biais d'un processus déjà en place», a indiqué le président.

«Nos critères pour dire qu'un État soutient le terrorisme sont très clairs. Nous n'émettons pas ces jugements uniquement sur la base des événements du jour. Nous passons en revue tous les éléments et, selon ces faits, nous nous prononçons», a-t-il ajouté.

Washington accuse la Corée du Nord d'être responsable de l'attaque contre Sony Pictures, qui a conduit la société à annuler la sortie prévue pour Noël de The Interview, une comédie sur un complot fictif de la CIA pour assassiner le leader nord-coréen Kim Jong-Un.

Une «nouvelle façon de faire la guerre»

M. Obama a répété que Sony n'aurait pas dû annuler la sortie du film.

«Si nous établissons un précédent où un dictateur peut perturber en la piratant la chaîne de distribution d'une compagnie et ses produits, nous commençons à nous censurer nous-mêmes et c'est un problème», a indiqué le président.

Pour le sénateur républicain John McCain en revanche, l'attaque est une «nouvelle façon de faire la guerre».

«Quand vous détruisez des économies, que vous êtes capables d'imposer une censure sur le monde et spécialement sur les États-Unis, c'est plus que du vandalisme, c'est une nouvelle façon de faire la guerre», a ajouté le sénateur en appelant à «réimposer des sanctions» levées sous l'administration Bush.

De son côté, la Corée du Nord a menacé dimanche de représailles la Maison-Blanche et d'autres cibles américaines, en cas de sanctions.

La Commission nationale de défense nord-coréenne (NDC), citée par l'agence de presse officielle nord-coréenne, a déclaré que l'armée et le peuple de Corée du Nord étaient «tout à fait prêts à une confrontation avec les États-Unis, dans tous les espaces de conflit, y compris dans les espaces de cyberguerre afin de faire exploser ces citadelles».

La Corée du Nord n'a pourtant eu de cesse de démentir avoir quoi que ce soit à voir avec le piratage et a proposé une «enquête conjointe», refusée par Washington.

Aide de la Chine?

L'attaque a paralysé le système informatique de la compagnie et s'est accompagnée de la diffusion en ligne de cinq films du studio dont certains pas encore sortis, des données personnelles de 47 000 employés, de documents confidentiels comme le script du prochain James Bond, et une série de courriels très embarrassants pour les dirigeants de Sony.

Le FBI a imputé l'attaque du 24 novembre revendiquée par le GOP (Guardians of peace) à la Corée du Nord.

La Corée du Sud est venue à l'appui de son allié américain en accusant elle aussi son voisin du Nord d'avoir mené les cyberattaques, relevant «des similitudes» avec le piratage de banques et d'organes de presse sud-coréens l'an dernier.

Washington a par ailleurs cherché l'aide de la Chine, l'allié le plus proche de la Corée du Nord.

Les deux pays sont convenus du fait que mener «des attaques destructrices dans le cyberespace est contraire à un comportement approprié», a indiqué à l'AFP un haut responsable de l'administration américaine.

Dimanche, l'avocat de Sony, David Boies, s'est réjoui sur CBS du fait que «le président a reconnu publiquement qu'il était inacceptable qu'une attaque orchestrée par un État censure ce que nous faisons dans le pays».

«Ce n'est pas un problème de Sony, c'est un problème de sécurité nationale et le gouvernement doit agir», a-t-il ajouté.

Indiquant qu'il s'agissait d'abord de «protéger des vies» face aux menaces reçues, l'avocat a indiqué que la sortie du film était «seulement repoussée».

Le patron de Sony Pictures, Michael Lynton, avait vendredi vigoureusement défendu la décision du groupe en expliquant que les chaînes de cinéma avaient «appelé une par une» pour dire qu'elles ne projetteraient pas le film.

Le piratage et cette annulation pourraient coûter un demi-milliard de dollars au studio, selon des experts.