La légalisation de la marijuana par le Colorado déplaît souverainement aux dirigeants de deux États voisins, qui ont décidé de s'adresser à la Cour suprême pour faire invalider la décision.

Le Nebraska et l'Oklahoma demandent au plus haut tribunal du pays, dans une requête déposée cette semaine, de statuer que cette mesure de libéralisation est «anticonstitutionnelle».

Ils font valoir que les lois fédérales interdisent encore aujourd'hui la consommation et la commercialisation de la marijuana, et que cette interdiction doit primer la volonté des élus et de la population du Colorado.

Les deux États affirment que la légalisation annoncée en 2012 a créé «une dangereuse faille» dans le dispositif répressif américain et entraîné une lourde et coûteuse charge pour leurs forces policières et leur système judiciaire.

«Les produits illégaux actuellement distribués au Colorado sont trafiqués au-delà de la frontière, affectant négativement» les États limitrophes, a affirmé dans un communiqué le procureur général de l'Oklahoma, Scott Pruit.

Le procureur général du Colorado, John Sutters, a rétorqué que la requête était sans fondement et serait «vigoureusement» contestée en Cour suprême.

La démarche annoncée cette semaine met en lumière la situation juridique incertaine dans laquelle se retrouvent les États qui ont voté pour la légalisation de la marijuana.

Le produit est toujours considéré, dans une loi fédérale datant de 1970, comme une substance de classe 1 «sans usage médical reconnu» comportant un «risque élevé de dépendance».

Cette classification est contestée par les partisans de la légalisation, qui voient pour leur part de nombreuses vertus médicales à la marijuana. Plus d'une vingtaine d'États ont adopté des lois permettant son utilisation à cette fin. Quatre autres, dont le Colorado, ont élargi l'autorisation pour permettre son utilisation à des fns «récréatives».

Les dirigeants du Marijuana Policy Project, qui militent pour la légalisation de la marijuana à l'échelle du pays, relèvent que les autorités fédérales s'abstiennent généralement d'intervenir dans les États ayant voté des lois permissives.

Le porte-parole de l'organisation, Mason Tvert, s'indigne de la démarche du Nebraska et de l'Oklohama, et se dit convaincu qu'elle n'a «aucune chance» d'aboutir.

«lls ne font que gaspiller l'argent des contribuables des trois États. On aimerait croire qu'ils ont autre chose à faire [...] Ces gens sont du mauvais côté de l'histoire», estime M. Tvert.

Si leur requête est approuvée, dit-il, les autorités de l'Oklahoma et du Nebraska ne réussiront, ultimement, qu'à permettre aux groupes criminels de reprendre le contrôle de la production et de la vente de marijuana sans rien changer à l'importance du trafic avec les États voisins.

Le son de cloche est tout autre au sein de l'organisation Smart Approaches to Marijuana, qui milite activement contre la légalisation.

«Nous soutenons l'action des procureurs généraux de l'Oklahoma et du Nebraska parce que les décisions du Colorado relativement à la marijuana ont des conséquences sur les États limitrophes et l'ensemble des Américains», déclare son président, Kevin Sabet.

«Déjà, les États avoisinants ont enregistré une hausse marquée du trafic. Les trafiquants se vantent ouvertement du fait qu'ils sont capables de faire sortir illicitement du Colorado la marijuana produite avec l'approbation des autorités locales», affirme-t-il.

«Il est essentiel que des lois fédérales relatives à la légalisation s'appliquent de manière uniforme parce que l'action d'un État affecte inévitablement les résidants d'autres États», plaide M. Sabet.