Un républicain peut-il être élu à la présidence des États-Unis sans renier ses idées les plus progressistes ou modérées durant la course à l'investiture de son parti?

Depuis le début de l'automne, Jeb Bush a posé cette question ou une variante à divers stratèges, élus et donateurs républicains, histoire d'alimenter sa réflexion sur sa candidature éventuelle à l'élection présidentielle de 2016. Il sait très bien que Mitt Romney s'est rendu indésirable auprès d'une partie clé de l'électorat en 2012 en tentant de convaincre les militants républicains qu'il était aussi conservateur qu'eux.

Et il semble avoir trouvé une réponse à sa question. Tout candidat à la Maison-Blanche doit être prêt «à perdre les primaires pour remporter l'élection générale sans violer ses principes», a-t-il déclaré la semaine dernière lors d'une conférence organisée par le Wall Street Journal.

La réponse de Jeb Bush est d'autant plus intéressante qu'il semble être sur le point d'annoncer son intention de briguer la tête de la Maison-Blanche. Âgé de 61 ans, le fils du 41e président et le frère du 43e multiplie ces jours-ci les signaux de son ambition présidentielle. Il a notamment envoyé un courriel aux donateurs républicains les plus importants pour les prier de ne pas s'engager auprès d'autres candidats potentiels, dont le gouverneur du New Jersey, Chris Christie.

Et il a annoncé ce week-end son projet de publier au début de 2015 un livre électronique sur ses idées politiques ainsi qu'environ 250 000 courriels écrits ou reçus en tant que gouverneur de la Floride, poste qu'il a occupé de 1999 à 2007. Il a justifié la publication des courriels par le devoir de transparence qui incombe selon lui aux candidats et aux élus.

«Je permettrai donc aux gens de se faire eux-mêmes une idée», a-t-il déclaré lors d'une interview diffusée hier par une chaîne de télévision de Miami. «Il y en a des drôles, il y en a des tristes et il y en a des sérieux», a-t-il ajouté en faisant référence aux courriels.

Deux positions sensibles

La fameuse question de Jeb Bush découle évidemment de ses positions sur l'immigration et l'éducation, deux sujets explosifs où il n'est pas en phase avec les militants républicains. Beaucoup plus conservateurs que la moyenne des Américains, ceux-ci jouent un rôle crucial dans la sélection du candidat présidentiel de leur parti.

Marié à une Mexicaine et parlant couramment l'espagnol, Jeb Bush est en faveur d'une réforme du système d'immigration américain ouvrant la voie à la régularisation de millions d'émigrés clandestins. De nombreux militants républicains considèrent toute régularisation de sans-papier comme une «amnistie» inacceptable.

L'ancien gouverneur de la Floride se fait également l'apôtre d'une réforme du système éducatif basé sur les «Common Core Standards», une nouvelle méthodologie d'enseignement de l'anglais et des mathématiques élaborée par des experts en partenariat avec les États. Plusieurs conservateurs s'opposent à l'adoption de ces normes, y voyant le prélude à une uniformisation de l'enseignement par l'État fédéral.

Il y a moins d'un mois, Jeb Bush a dénoncé cet argument lors de la conférence annuelle à Washington de la Fondation pour l'excellence éducative, dont il est président.

«Il est évident que nous avons besoin de normes académiques plus élevés, a-t-il dit. La rigueur de Common Core doit être le nouveau minimum.»

Sur d'autres sujets, Jeb Bush est aussi conservateur que la plupart des militants républicains. Il s'oppose non seulement à l'avortement, mais également au mariage gai, sujet sur lequel certains républicains modérés et plusieurs démocrates, dont Hillary Clinton, ont récemment changé d'avis. Il préconise également des idées chères à la droite américaine pour réformer la fiscalité et les programmes sociaux.

D'autres défis

Mais, s'il se lance dans la course à la Maison-Blanche, Jeb Bush affrontera des écueils qui ne se limiteront pas à ses positions sur l'immigration ou l'éducation. Il incarnera un establishment républicain duquel les militants du parti ont appris à se méfier au cours des dernières années. Il portera le nom d'une dynastie politique dont l'héritage inclut deux guerres impopulaires, une grande récession et des techniques d'interrogatoire inhumaines et inefficaces. Et il se lancera dans l'épreuve politique la plus difficile après huit années sur la touche.

Un républicain peut-il être élu à la présidence des États-Unis sans renier ses idées les plus progressistes ou modérées durant la course à l'investiture de son parti?

La question de Jeb Bush est peut-être cruciale. Mais elle en cache d'autres pour lesquelles l'intéressé n'a pas encore fourni de réponse.