La pression internationale va croissant sur l'administration américaine, qui retarde depuis des mois la publication des conclusions d'un rapport très attendu de la commission du renseignement du Sénat sur les pratiques de la CIA dans le cadre de la «guerre au terrorisme».

Le Comité sur la torture des Nations unies a déploré hier que les États-Unis aient refusé jusqu'à maintenant de dévoiler plus que des «informations parcellaires» sur le programme d'enlèvements et d'interrogatoires mené par l'agence de renseignement dans la foulée des attentats du 11 septembre 2001.

Les membres du comité relèvent que le programme en question a entraîné de «nombreuses violations des droits de l'homme, incluant de la torture, des mauvais traitements et la disparition forcée de personnes soupçonnées de terrorisme».

Ils demandent que le rapport sénatorial à ce sujet soit rendu public «dans les plus brefs délais», et avec un minimum de caviardage, pour faire toute la lumière sur la situation et permettre l'ouverture d'enquêtes contre les responsables de cas de torture.

L'intervention de l'organisation survient quelques jours après qu'un groupe de rapporteurs des Nations unies sur les droits de la personne eut publié une lettre ouverte demandant au président américain Barack Obama de déclassifier le document.

«Les victimes de torture et les militants des droits de l'homme seront galvanisés si vous prenez position en faveur de la transparence. Si vous cédez à l'inverse aux demandes de la CIA pour maintenir le secret à ce sujet, ceux qui refusent de rendre des comptes utiliseront votre décision dans leur propre pays pour faire avancer leur propre agenda», ont souligné les experts onusiens.

Ils disent espérer que le chef d'État américain «saura reconnaître le caractère historique de la décision à venir et prendra le parti de ceux qui luttent, aux États-Unis et ailleurs, pour faire connaître la vérité et en finir avec la torture».

Plusieurs anciens militaires et membres des services de renseignements spécialisés dans les interrogatoires ont appelé récemment dans la même veine à la divulgation du rapport en relevant qu'il était crucial pour faire avancer le débat sur l'utilité de la torture.

Selon eux, les techniques abusives approuvées par l'administration de George W. Bush augmentent les probabilités «de recevoir de fausses informations, minent la capacité de la nation à collaborer avec ses principaux partenaires internationaux et facilite le travail de recrutement des groupes terroristes».

L'American Civil Liberties Union (ACLU) estime que le président américain doit décider «de quel côté de l'Histoire il veut se retrouver» dans la bataille pour en finir avec la torture.

«Il y a longtemps que ce rapport aurait dû être divulgué pour permettre au public de savoir ce qui a été fait au nom de la protection de la sécurité nationale», souligne en entrevue Jamil Dakwar, qui dirige le programme des droits de la personne de l'organisation.

Le New York Times précisait il y a quelques jours que l'administration américaine et des membres démocrates de la commission du renseignement du Sénat ne s'entendent pas sur la nécessité de censurer des pseudonymes utilisés dans le rapport pour désigner des agents de la CIA.

L'agence de renseignement, qui s'oppose depuis le début à la divulgation du document, prétend que la diffusion de ces pseudonymes pourrait mener à la découverte de l'identité réelle des agents et compromettre leur sécurité.

M. Dakwar craint de son côté que le retrait de ces pseudonymes complique la compréhension des faits et ait pour effet de freiner d'éventuelles poursuites contre les responsables de cas de torture. La reprise en main de la commission sénatoriale en janvier par le camp républicain pourrait compliquer plus encore le processus.

L'administration américaine, relève le militant, doit aller au fond des choses et s'assurer que les auteurs d'exactions sont poursuivis pour éviter d'encourager une «culture d'impunité» aux États-Unis et ailleurs relativement à la torture.

«C'est d'autant plus important que le pays se présente comme un modèle en matière de défense des droits de la personne», relève-t-il.