Depuis octobre, dans les universités californiennes, il faut qu'une femme consente «de façon enthousiaste» à chaque étape d'une relation sexuelle - les baisers, les caresses, le déshabillage, la pénétration. C'est ce qu'impose une nouvelle loi sur le consentement sexuel dans les universités californiennes surnommée «consentement affirmatif».

Ce nouvel encadrement des relations sexuelles survient alors que les universités américaines, qui sont obligées depuis trois ans par le département fédéral de l'Éducation de durcir le ton sur les agressions sexuelles, font face à d'innombrables critiques et manifestations dénonçant leur inaction sur le sujet. Elles doivent maintenant, pour juger des expulsions des personnes soupçonnées de viol, tenir compte de la prépondérance de la preuve plutôt que d'une preuve «claire et décisive».

Ce changement a été décrié par 28 professeurs de droit de l'Université Harvard, dont le célèbre Alan Dershowitz. Et une vingtaine d'étudiants expulsés ont entamé des poursuites contre leur université parce qu'ils estiment que les audiences étaient pipées contre eux.

«En matière criminelle au Canada, on applique un standard qui ressemble au consentement affirmatif», explique Véronique Robert, qui se présente comme «avocate et féministe», et qui est proche des milieux étudiants alternatifs. «Par exemple, consentir à la pénétration ne signifie pas consentir à la sodomie.»

Par contre, MRobert n'est pas sûre qu'appliquer une simple prépondérance de la preuve, comme dans les poursuites civiles, soit adéquat pour une accusation aussi grave que l'agression sexuelle. «Normalement, en matière disciplinaire, le fardeau de la preuve est un peu plus lourd qu'au civil, mais pas aussi fort que «hors de tout doute». La notion de preuve «claire et décisive» semble justement au milieu. Comme il y a des conséquences quasi pénales, il faut que le fardeau de la preuve soit plus élevé.»

Manque de formation

Andrew Miltenberg, un avocat new-yorkais qui représente certains des étudiants qui poursuivent une université pour une expulsion relative à une agression sexuelle, estime que les tribunaux universitaires ne sont pas formés pour de telles accusations. «Les professeurs qui y siègent ne sont pas des juges, souvent ils n'ont même pas une formation adéquate. Pour beaucoup de gens dans le public, des condamnations criminelle et disciplinaire pour agression sexuelle constituent la même chose. Il est très difficile d'avoir un emploi dans un gouvernement, par exemple, et même trouver une autre université peut être difficile.»

Pour Nancy Cantalupo, vice-présidente pour la prévention de la violence à l'association étudiante américaine NASPA, les changements sont bienvenus. «La notion de preuve claire et décisive n'est pas limpide, alors c'est une bonne chose qu'elle soit abandonnée, dit Mme Cantalupo. Quant à ceux qui disent que les conséquences d'une condamnation pour agression sexuelle sont pires que celles d'une condamnation pour plagiat, je pense qu'ils se trompent. On a vu des étudiants s'inscrire à une autre université.»

Un cas cité par Mme Cantalupo a terminé ses études à l'Université Upstate South Carolina au lieu du prestigieux collège Amherst. Un autre, un joueur de basketball, a été recruté par une université en Floride après avoir quitté le Collège Providence et l'Université de l'Oregon à la suite d'accusations disciplinaires pour agression sexuelle qui sont tombées à Providence et ont été validées par l'université, mais pas par la police en Oregon.

Sous l'effet de l'alcool

L'abaissement du fardeau de la preuve est compliqué par le fait que l'alcool joue un rôle dans la plupart des cas, selon Me Miltenberg. «Si les deux jeunes sont saouls, la fille ne peut donner son consentement et le gars ne peut invoquer son intoxication pour sa défense. Je comprends la pertinence du concept de consentement affirmatif. Mais je constate que pour plusieurs jeunes femmes, ça signifie que si elles ont des regrets après une aventure d'un soir, elles n'ont jamais vraiment donné leur consentement.»

Pourquoi ces jeunes femmes ne consultent-elles pas la police? Selon l'avocat new-yorkais, comme les deux tiers des cas impliquent des étudiants qui habitent dans les résidences, il paraît tout à fait normal de s'adresser au service de sécurité le plus proche, même si les politiques couvrent également les étudiants habitant dans leur propre appartement. Aux États-Unis, plus du tiers des étudiants universitaires habitent dans une résidence gérée par leur université, une proportion qui augmente à près de 100 % dans la célèbre «Ivy League». Au Québec, la proportion varie de 2 à 9 %.

Avec ou sans avocats?

L'un des aspects les plus controversés des audiences disciplinaires dans les universités américaines est la présence d'un avocat. Certaines universités interdisent aux étudiants d'être accompagnés lors des audiences, quoique la nouvelle loi californienne garantisse le droit d'être «conseillé» - et non représenté - par un avocat. «Le problème, c'est que la survivante et l'assaillant n'ont pas nécessairement les mêmes moyens financiers», explique la chargée de recherche en la matière Nancy Cantalupo. Une modernisation d'une loi fédérale sur les crimes sexuels universitaires prévoit ce droit à un conseiller, mais cette nouvelle section pourrait tomber lors des négociations menant à son adoption par le Congrès.