Hillary Clinton peut-elle sauver le Parti démocrate? C'est l'une des questions que les commentateurs et stratèges politiques se posent au lendemain des élections de mi-mandat. Preuve que le scrutin présidentiel de 2016 et ses candidats potentiels retiennent déjà l'attention aux États-Unis, pays en perpétuelle campagne électorale.

Le dépouillement des votes n'était même pas encore terminé lorsque Rand Paul, sénateur républicain du Kentucky et candidat pressenti à l'élection présidentielle de 2016, a tenté de lier Hillary Clinton à la déconfiture des démocrates aux élections de mi-mandat.

«Aujourd'hui, les électeurs ont envoyé un message au président Obama et à Hillary Clinton, rejetant leurs politiques et leurs candidats», a-t-il écrit sur sa page Facebook, où apparaissaient des photos de l'ancienne secrétaire d'État américaine aux côtés de six démocrates pour lesquels elle avait fait campagne.

«Les perdants d'Hillary», pouvait-on lire au bas de chacune des photos, publiées peu après minuit mercredi dernier.

Ce n'était pas la première fois que Rand Paul s'en prenait à Hillary Clinton, mais son message illustrait un phénomène particulier de la politique américaine: dès la fin du scrutin de mi-mandat, il est déjà question de la prochaine élection présidentielle.

Cela dit, Hillary Clinton et son entourage sont peut-être les seuls démocrates à ne pas se morfondre à la suite des élections de mi-mandat, n'en déplaise à Rand Paul. Car la conquête du Sénat par les républicains est, à leurs yeux, un mal pour un bien. Ils sont persuadés que le sénateur du Kentucky et ses collègues issus du Tea Party, dont Ted Cruz, leur serviront à merveille de repoussoir.

Ils sont aussi convaincus que le verdict électoral de la semaine dernière permettra à Hillary Clinton de se positionner encore plus facilement comme figure salvatrice auprès de son parti démoralisé. Cette thèse suppose qu'elle ne devra pas trop tarder à confirmer sa candidature à la présidence (elle a déjà fait savoir qu'elle annoncerait sa décision après le 1er janvier).

En attendant, Hillary Clinton et ses conseillers s'emploieront à analyser les résultats électoraux et les sondages réalisés mardi dernier à la sortie des bureaux de vote. Et l'ancienne première dame abandonnera ses conférences bien rémunérées pour se mettre à l'écoute de représentants de divers milieux afin de récolter idées et conseils pour sa prochaine campagne.

Plusieurs de ses interlocuteurs ne manqueront sans doute pas de revenir sur l'erreur stratégique des candidats démocrates aux élections de mi-mandat. Plutôt que de défendre le bilan du président et de répondre à l'anxiété des électeurs à propos de l'économie, ils ont tenté de creuser l'avantage de leur parti auprès des femmes en mettant l'accent sur les droits à l'avortement, la contraception et l'équité salariale.

Cette stratégie n'a certainement pas aidé le sénateur du Colorado Mark Udall, dont une journaliste du Denver Post s'est moquée en le surnommant «Mark Uterus».

Mais les démocrates n'ont peut-être pas besoin d'un sauveur en 2016. Deux facteurs conjoncturels ont grandement contribué au triomphe des républicains mardi dernier. Comme c'est habituellement le cas lors des élections de mi-mandat, les participants étaient plus âgés, plus blancs et plus conservateurs qu'ils ne le sont aux élections présidentielles. Et la plupart des courses clés au Sénat se sont déroulées dans des États conservateurs qui ont voté pour Mitt Romney en 2012.

En 2016, les élections sénatoriales favoriseront les démocrates. Les républicains devront alors défendre 23 sièges (sur les 33 en jeu), dont plusieurs se trouvent dans des États où Barack Obama a triomphé en 2008 ou en 2012.

Ils devront également affronter un redoutable «mur bleu». L'expression, employée la semaine dernière par l'analyste de CNN David Gergen, fait référence aux 18 États qui ont voté pour les candidats démocrates à la présidence au cours des six dernières élections et qui devraient faire de même en 2016. Ces États représentent 242 des 270 votes du Collège électoral nécessaires pour remporter la présidence.

Il suffirait donc à Hillary Clinton, si elle devenait la candidate des démocrates, d'ajouter à ce «mur bleu» un État clé comme la Floride (29 votes au Collège électoral) pour remporter la présidence.

Bien sûr, rien de cela n'est inscrit dans le béton. Et certains conservateurs, gonflés à bloc après le triomphe républicain de mardi dernier, doutent de la capacité d'Hillary Clinton de sauver son parti. Pour donner une idée de leur scepticisme, citons quelques extraits d'un article publié la semaine dernière par l'hebdomadaire National Review sous la plume de Yubal Levin:

«[Hillary Clinton] est intelligente, coriace et futée et elle a la capacité d'apprendre de ses échecs et de s'ajuster. Mais [...] les gens sont lassés d'elle [...]. Elle est une élitiste insipide [...] qui sera vraisemblablement réduite à faire campagne en misant sur l'expérience et la compétence tout en feignant l'idéalisme et l'espoir - un type de candidat présidentiel commun aux deux partis, et qui perd presque toujours.»

Le mot clé de ce paragraphe est peut-être «presque».

Six autres candidats potentiels à surveiller

***

Chris Christie

> Républicain, 52 ans

Le gouverneur du New Jersey n'a pas encore réussi à faire complètement oublier le Bridgegate, nom donné à un scandale impliquant des membres de son équipe. Mais, à titre de président de l'Association des gouverneurs républicains, il a redoré son blason lors des élections de mi-mandat en contribuant à la victoire de plusieurs candidats de son parti à la tête de plusieurs États, dont le Massachusetts, l'Illinois et le Maryland, qui ont tendance à préférer les démocrates.

Photo: Reuters

Marco Rubio

>Républicain, 43 ans

Au lendemain de l'élection présidentielle de 2012, le sénateur de Floride s'est attelé à une tâche qui lui semblait cruciale: réformer le système américain d'immigration. Ce fils d'immigrés cubains s'est peut-être brûlé les ailes en s'associant à ce projet dénoncé par plusieurs militants de son parti. Mais il ne semble pas avoir abandonné pour autant ses ambitions présidentielles. Celui que certains médias ont considéré comme un «Obama républicain» promet de confirmer ses intentions «dans les prochaines semaines».

Photo: Reuters

Ted Cruz

> Républicain, 43 ans

Il y a un peu plus d'un an, le sénateur du Texas a joué un rôle crucial dans le bras de fer budgétaire qui a mené à la paralysie partielle de l'État fédéral. Et il promet de continuer ses attaques contre Barack Obama et ses politiques. Selon le site BuzzFeed, il occupe la place de meneur parmi les républicains qui lorgnent la Maison-Blanche. Car «il a le don de parler aux conservateurs» qui participent aux primaires.

Photo: Reuters

Jeb Bush

> Républicain, 61 ans

Son frère George W. l'encourage à se présenter à la présidence. Sa femme Columba, qui ne raffole pas de la politique, n'a plus d'objection. Et son fils George P. affirme que la candidature présidentielle d'un troisième Bush, en l'occurrence son père, est «plus que probable». Reste à voir si Jeb conserverait ou abandonnerait ses positions plus modérées en matière d'immigration et d'éducation, entre autres, s'il briguait la Maison-Blanche. Positions qui sont dénoncées par la base républicaine.

Photo: Reuters

Martin O'Malley

> Démocrate, 51 ans

L'ancien gouverneur du Maryland doit se douter que ses chances de battre Hillary Clinton dans une course à l'investiture démocrate seraient minces. Et ces chances, aussi minimes soient-elles, ont probablement diminué lors des élections de mi-mandat en raison de la défaite surprenante de son dauphin, Anthony Brown, dans la course au poste de gouverneur de son État, un bastion démocrate. L'ironie veut qu'O'Malley ait toujours été un allié loyal de Hillary Clinton, y compris en 2008.

Photo: Reuters

Bernie Sanders

> Indépendant, 73 ans

Le sénateur du Vermont se décrit comme un socialiste et se fait élire comme indépendant. Mais il briguerait probablement la Maison-Blanche sous la bannière démocrate, parti avec lequel il siège au Sénat depuis 2007. Il serait sans contredit l'un des prétendants les plus à gauche parmi les démocrates. Il reproche à Barack Obama de ne pas avoir su canaliser «la colère et la frustration» des Américains sur plusieurs questions, dont les besoins de la classe moyenne.

Archives Reuters